Post-féminisme ou échappée belle de temps de crise, les vampires ont la cote auprès des lectrices. Dans la foulée de la désormais cultissime saga Twilight» de Stephenie Meyer, la littérature féminine s'est découvert un nouveau créneau porteur avec des romans où se bousculent vampires, loup-garous, zombies et autres créatures immortelles, séduisantes et nocturnes, et que les adolescentes, leurs soeurs, comme leurs mères, dévorent à pleines dents.

Pour Bella, Zoey, Ever ou Calliope, héroïnes jeunes et modernes d'une littérature fantastique écrite par des femmes et lue par des femmes, les années adolescentes ont un goût de sang et de pleine lune. «Nous vivons à une période inquiétante. Je ne sais pas si c'est une façon de s'échapper, une façon de dire: il y a plein de choses qui font peur dans le monde, mais je vais le contrôler par le biais de la lecture», analyse Amy Clarke, maître de conférence à l'Université de Californie à Davis (UCD) et spécialiste de la littérature de science-fiction. «Je crois que c'est une façon post-féministe de prendre le pouvoir».

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C'est Bella Swan et son histoire d'amour contrariée avec le bel Edward, jeune et ténébreux vampire, qui ont lancé la tendance avec la saga Twilight de l'Américaine Stephenie Meyer, vendue à plus de 53 millions d'exemplaires dans le monde depuis la sortie du premier des quatre tomes en 2005, selon l'éditeur Little, Brown & Company.

Le dernier roman de cette mère de famille de Phoenix, The Host, qui vise un public plus adulte, a été tiré à deux millions d'exemplaires aux États-Unis. Le cinéma s'est évidemment jeté sur Twilight, pour une série à succès dont le deuxième volet est attendu à l'automne dans les salles.

Dans la même veine, P.C. et Krystin Cast ont lancé en 2007 la série House of Night. La jeune écolière Zoey Bird, qui porte sur le front la «marque», un croissant de lune, intègre une école spécialisée pour vampires. P.C. Cast, mère célibataire qui a enseigné l'anglais pendant quinze ans avant de se consacrer à l'écriture, a enrôlé sa fille Krystin, 22 ans, pour apporter la touche d'authenticité de ses personnages adolescents.

Les cinq premiers tomes ont été tirés à 5,5 millions d'exemplaires aux États-Unis et la série est restée pendant 63 semaines dans la liste des best-sellers du New York Times, selon l'éditeur St. Martin's Press. Le sixième tome, Tempted, doit sortir en octobre et les studios Empire Pictures ont pris une option sur la série, un premier scénario étant déjà en préparation.

«Stephenie Meyer a lancé le boom et House of Night l'a prolongé», note Matthew Shear, un vice-président de St. Martin, qui explique que l'éditeur n'avait pas acheté la série à cause de Twilight avant de changer d'avis devant les ventes.

L'heureux auteur y voit plus qu'un phénomène d'édition, un phénomène de société. «J'ai vu un grand tournant, particulièrement dans ma salle de classe, avec des femmes qui prennent position et exigent le respect», explique P.C. Cast jointe au téléphone dans sa maison de Tulsa en Oklahoma. «Notre fiction reflète cela parce que c'est nous qui l'écrivons. On se donne la permission de réussir. On se donne aussi la permission de s'amuser».

Et «les vampires sont super sexy», souligne-t-elle. «Les vampires et les adolescents ont beaucoup en commun. Les adolescents ont des poussées d'hormones, les vampires de soudaines envies de sang. Les adolescents pensent qu'ils sont immortels».

Et pour les lectrices qui ont dépassé l'âge des premiers émois, le «sang chaud» prend une autre signification, explique l'universitaire Amy Clarke. «Dans tout ce que j'ai lu, il y a pas mal de scènes d'amour assez chaudes», dit-elle. «Les ados n'ont pas encore eu de rapports sexuels mais leurs mères si et ce n'est peut-être pas aussi bon qu'avant».

Alyson Noel a créé la série des Immortals (Les immortels), avec plus de 700 000 exemplaires tirés pour les deux premiers tomes, selon St. Martin's Press. Son héroïne, Ever, une orpheline télépathe de 16 ans, croise dans nouvelle école le bel immortel Damen.

«Nous les gens plus âgés qui lisons ces livres, on a survécu comme par magie à l'école secondaire, alors qu'on pensait bien ne pas y arriver», explique Alyson Noel depuis sa demeure californienne de Laguna Beach. «Être jeune et beau, et avoir le pouvoir éternel, c'est assez attirant dans notre société».

Si attirant qu'il reste de la place pour d'autres arrières petites-filles de Bram Stoker: Penguin Razorbill Books a imprimé 1,5 million d'exemplaires des trois premiers volumes de la «Vampire Academy» de Richelle Mead et Charlaine Harris a vu sa série des Sookie Stackhouse Southern Vampire Mysteries adaptée sur le petit écran avec la série True Blood sur la chaîne cablée HBO, qui donne un coup de vieux à Buffy contre les vampires.

Amber Benson, qui jouait justement la sorcière Tara dans la défunte série, s'est reconvertie depuis le dernier épisode en 2003. Elle écrit désormais des histoires fantastiques et publié son premier roman Death's Daughter chez Ace Books, une filiale de Penguin. Elle reconnaît rester très influencée par Buffy, l'«élue» blondinette, un peu larguée à l'école qui maniait le pieu comme personne. «On ne veut vraiment pas la fille forte qui n'a pas de sentiments ou la fille très fille qui ne sait rien faire toute seule. On veut un juste milieu».