Même la plus mini des mini-jupes fait rarement tourner les têtes. Personne ne se salue dans les ascenseurs. Et rares sont les galants qui proposent encore de payer la note au resto. La question se pose: out, la drague au Québec?

C'est du moins la thèse coup de gueule que défendent Jean-Sébastien Marsan et Emmanuelle Gril dans un tout nouveau livre à paraître la semaine prochaine: Les Québécois ne veulent plus draguer, et encore moins séduire, aux éditions de l'Homme. Les deux auteurs dressent un portrait pour le moins sombre (heureusement truffé d'anecdotes croustillantes) d'abord de la séduction, mais aussi de la communication, bref, des relations entre les hommes et les femmes au Québec.

D'un côté, les hommes, loin de ne pas savoir draguer (c'était le postulat initial de l'auteur, qui avoue tout de go être lui-même un atroce séducteur), ne veulent pas le faire. Nuance. Par peur viscérale de se faire remballer. Résultat: ils ont souvent le regard fuyant, tournent autour du pot, ou sont à l'inverse un poil trop directs.

Il suffit de voyager un peu pour se rendre compte du gouffre flagrant entre la drague ici et ailleurs. Plusieurs immigrantes en témoignent: «En France, on est constamment sollicitées. Des fois c'est lourd et ça frise le harcèlement, mais on arrive ici, et on tombe à zéro, commente la coauteure Emmanuelle Gril, arrivée au Québec à 22 ans. Suis-je devenue un boudin?» s'est-elle longtemps interrogée.

De leur côté, les femmes, fières produits de la révolution féministe, ne sont pas en reste : elles sont (trop) sûres d'elles, savent ce qu'elles veulent, archi critiques, limite intimidantes. Pire : elles attendent encore et toujours, le fameux prince charmant. Elles aimeraient être séduites, mais dès qu'un audacieux ose les complimenter (certes maladroitement), elles y voient un manque de respect. Résultat: c'est souvent l'inverse qui se produit: ce sont désormais elles qui font les premiers pas.

Les auteurs ont creusé tout ce qui avait été dit sur la question, à la fois au cinéma (Le Déclin de l'Empire Américain, Québec-Montréal, Cruising Bar), ou en littérature (Brad Pitt ou mourir, L'Homme Whippet). Ils ont interrogé une panoplie d'experts (la sexologue Jocelyne Robert, le philosophe Marc Chabot, la consultante en étiquette Louise Masson, la féministe Ariane Émond), fouillé les sites de rencontre, en plus de sonder des dizaines de personnes sur cette délicate question: pourquoi l'homme Québécois ne drague-t-il pas?

Loin d'être un ouvrage psycho pop (ne cherchez pas ici de recette de drague), le livre se situe à mi-chemin entre l'enquête journalistique, le travail sociologique, historique, philosophique, même politique. Car pour saisir le noeud du problème, les auteurs ont tout fouillé: est-ce le climat, l'égalitarisme féministe, la pornographie, l'individualisme post-moderne? Et si la question nationale y était pour quelque chose? Disons qu'à force de se questionner sur son identité, cela devient peut-être névrosant, avancent-ils.

Conclusion? Les auteurs n'ont pas la réponse à toutes ces questions. Seulement quelques pistes de réflexion. Ce qu'ils souhaitent, c'est susciter le débat. Qui sait, peut-être même le dialogue. Pourquoi pas la réconciliation?

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Pour réagir, rendez-vous sur le blogue des auteurs: www.ladrague.qc.ca