D'aucuns considèrent, aux États-Unis, le livre illustré pour enfants And Tango Makes Three comme la tendre histoire d'un couple de pingouins gais adoptant un bébé. Mais pour d'autres, c'est un texte dangereux qu'il faut bannir à jamais des bibliothèques.

Le livre, destiné à apprendre à ces chères têtes blondes qu'il existe aussi des couples de parents homosexuels, est en tête de la liste des «titres les plus contestés» dressée chaque année par l'American Library Association (ALA) à l'occasion de la «semaine des livres interdits», qui aura lieu du 26 septembre au 3 octobre. L'ouvrage fait des remous aux États-Unis et des plaintes ont été enregistrées dans des librairies d'au moins 15 États pour obtenir, sinon son interdiction, au moins que le livre comporte des avertissements de lecture, ou encore qu'il soit rangé dans d'autres rayons que ceux pour les bambins, dénonce l'ALA.

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Pour Deborah Caldwell Stone, une responsable de l'ALA, ces manoeuvres rendent d'autant plus nécessaire la semaine des livres interdits.

Ce rendez-vous annuel a été lancé en 1982 pour souligner le fait que des livres sont «toujours interdits ou remis en cause» aux États-Unis ou «retirés des bibliothèques parce que des gens ne sont pas d'accord avec leur contenu», explique Mme Caldwell Stone.

«Nous estimons que nous n'entendons parler que de 25 % des livres contestés», dit-elle. «Il arrive qu'un parent se plaigne et que le livre soit retiré de la bibliothèque et que nous n'en entendions jamais parler».

Les plaintes portent de «plus en plus» sur des livres ayant trait à l'homosexualité ou au sexe, poursuit-elle.

La liste des livres contestés compte d'ailleurs la série Gossip Girl, qui raconte les vies délurées de riches adolescentes dans les quartiers chics de Manhattan, ou encore The Perks of Being a Wallflower, critiqué par l'Association des parents contre les mauvais livres dans les écoles en raison de références à la drogue, au suicide ou à la sexualité des adolescents.

«Certains livres montrent des comportements sexuels très détaillés qui n'ont pas de caractère pédagogique et qui ne sont pas appropriés pour les enfants», affirme Dan Kleinman, qui dirige safelibraries.org. Ce site pose d'ailleurs la question sur sa page d'accueil: «Nos enfants sont-ils en sécurité dans les bibliothèques?».

«Tout ce que je cherche, c'est l'application de loi», se justifie M. Kleinman, en accusant l'ALÀ de déformer la réalité et de «tromper les gens» en criant à la censure.

Mais pour Mme Caldwell Stone, l'opinion négative du parent d'un enfant ne saurait limiter les lectures des autres: «Quand vous critiquez un livre et que vous dites qu'il ne devrait pas être sur une étagère, ou que l'accès à ce livre devrait être restreint... alors vous dites que mes valeurs, ma morale devraient dicter ce que les enfants des autres lisent».

Certes, il existe des ouvrages pouvant heurter la sensibilité des enfants, avance de son côté Lewis Lipsitt, chercheur au Brown University's Child Study Center. Mais les parents devraient se garder de toute censure excessive.

«Il n'y a pas de preuve que tout ça (...), que toutes les choses que lisent les enfants, ont un effet nocif sur eux», dit-il avant d'ajouter: «Cela leur enseigne, en revanche, qu'il existe des comportements d'une grande diversité».