Sur une plage, une femme s'approche d'un feu, hypnotisée par les flammes. Un homme l'interpelle et revendique l'incendie comme une délivrance. Côte à côte, face au spectacle de cette destruction libératrice pour lui, les deux inconnus vont se lier, partageant leurs «petites guerres», faisant resurgir la rivière souterraine des souvenirs, appelant leurs fantômes respectifs à la barre des témoins. Entre la disparition et la résurgence de ces passés qui se croisent, ils vont développer une solidarité, se laissant porter par l'histoire de l'autre, retrouvant au détour un être oublié, un lieu perdu, tels deux phénix faisant ressortir à la surface leurs vies brûlées, renaissant de leurs cendres, assis dans le sable, là où justement on laisse sa trace.

Dans une parenthèse de l'histoire improvisée sur une plage, Michèle Lesbre raconte la difficile inscription dans le temps de deux êtres déchirés entre l'oubli et le souvenir, deux rescapés qui partagent de façon impromptue leurs blessures. Profond, mais sans prétention, ce petit roman se révèle d'une puissance bouleversante, juste, sensible, déroutant. Les révélations nées d'une rencontre au hasard, sans cérémonie, inscrivent les petites tragédies racontées - une noyade, un attentat dans un train à Bologne, la sanglante guerre d'Algérie, la vengeance familiale, les amours défuntes - dans une sorte de jeu irréel qui les délie de leur pesanteur, les plonge dans une évanescence rédemptrice, sans pour autant les vider de leur densité. Une rencontre intime, mi-réelle, mi-onirique, qui illustre la réunion des solitudes humaines.

 

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Sur le sable. Michèle Lesbre. Héliotrope, 133 pages, 19,95 $