«Si tout le monde consent à dire que le suicide est une terrible tragédie, en regard de ce qui aurait pu être vécu et accompli s'il n'avait pas eu lieu, mais aussi en regard de la souffrance engendrée, personne ne peut se résoudre à admettre que la vie de chacun appartient de droit à l'État, ou encore à la famille, encore moins aux amis. La vie est propre à celui qui la vit. Et s'il est vrai que le suicide est un lègue terrible qu'il faut absolument prévenir, c'est aussi vrai que ne pas faire souffrir son entourage ne peut constituer, du moins à long terme, une raison suffisante pour vivre.»Extrait d'une chronique publiée sur le site du ICI le 15 mai 2008Pour lire la chronique intégrale : http://fr.canoe.ca/divertissement/chroniques/nelly-arcan/2008/05/15/5577551-ici.html* * * * *

«Si les gens se suicident en grand nombre dans nos sociétés industrialisées, ce n'est sûrement pas parce qu'elles n'ont pas prévu pour eux des barrières, ce n'est pas non plus parce qu'elles auront représenté des suicidés dans les médias... C'est peut-être parce que (entre mille autres choses), le maternage de l'État qui organise tout à distance de la réalité quotidienne de ses citoyens vient de pair avec la déresponsabilisation de ces mêmes citoyens face à la misère de leurs proches. Il ne faut pas oublier que les barrières les plus solides contre la détresse des gens qui nous sont chers, c'est encore vous et moi.»

Extrait d'une chronique intitulée Se tuer peut nuire à la santé et publiée en mars 2004 sur le site P45.

Pour lire la chronique intégrale : http://p45.ca/magazine/se-tuer-peut-nuire-a-la-sante

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«Quand on s'est rencontrés la première fois à Nova j'allais avoir vingt-neuf ans sur le coup de minuit. Le problème entre nous était de mon côté, c'était la date de mon suicide fixée le jour de mes trente ans.

J'imagine que si tu ne m'avais pas quittée, que si tu m'avais aimée jusqu'à la veille de mes trente ans, ma mort t'aurait marqué à vie... parce que dans le choc de ma disparition tu aurais compris que je venais de t'échapper en emportant avec moi toutes les réponses, et aussi parce que dans tous les souvenirs que tu aurais gardés de moi tu buterais sur mon cadavre. Si on en veut aux gens qui se suicident, c'est parce qu'ils ont toujours le dernier mot.

«Entre nous il n'a jamais été question de ma mort prochaine. J'ai appris que dans la vie certaines choses comme le désespoir ne se partagent pas, que c'était un fardeau qu'on devait garder sur soi.

«Il n'a jamais été question de ça entre nous, de la porte de sortie de mes trente ans; tu étais sain et les gens sains sont trop cons pour concevoir qu'on puisse planifier sa mort, les gens sains ne courent pas après quelque chose qui arrivera tôt ou tard sans réclamation.

(...)

«De toute façon dire quelque chose là-dessus finit par mobiliser trop de monde, je le sais parce que en abordant le sujet avec mes parents quand j'avais quinze ans, je me suis tout de suite retrouvée à l'hôpital.

Extrait du roman Folle, Éditions du Seuil, 2004