Est-ce l'absence de vedettes ou la morosité ambiante? On ne sentait pas la vibration des grands jours hier lors de la remise des prix littéraires du Gouverneur général, les plus anciens et les plus riches du Canada. Qu'à cela ne tienne. La cérémonie a donné lieu à des premières, à une ou deux surprises... et à quelques cris.

Première première: les lauréats des prix du Gouverneur général (du Canada) ont été annoncés à la Grande Bibliothèque (du Québec), deux institutions culturelles d'importance que l'on ne retrouve jamais dans la même phrase et encore moins dans le même lieu. Les prix seront remis officiellement à Rideau Hall la semaine prochaine (voir la liste complète sur www.conseildesarts.ca/prix).

Dans l'auditorium à moitié plein, des cris ont accueilli le nom d'Hélène Monette au titre de lauréate du prix de poésie française pour lequel l'auteure de Thérèse pour joie et orchestre a déjà été en nomination deux fois. «Merci à la poésie de m'inclure dans le monde», a lancé la cofondatrice du magazine CV Photo.

Et quand l'animatrice a appelé Julie Mazzieri pour le prix du roman - Le discours sur la tombe de l'idiot, publié chez José Corti -, on a entendu un «ouh...» de surprise, vite éteint toutefois. Le «milieu» attendait plus Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier (Alto) qui sera bientôt porté à l'écran, ou les nouvelles de Êtes-vous mariée à un psychopathe? de Nadine Bismuth (Boréal). «C'est mon premier roman: je ne vous servirai le cliché de la reconnaissance de mes pairs», dira plus tard à La Presse Julie Mazzieri qui décrit son livre comme un pied de nez «à l'éloquence et aux discoureurs». Originaire de Saint-Paul-de-Chester en Arthabaska, cette spécialiste de Bernanos (UdeM, McGill) vit en Corse. Qui prend mari prend pays.

L'autre grande première de cette année tient au fait que l'auteur Hervé Bouchard et l'illustratrice Janice Nadeau, du même livre jeunesse, Harvey, ont été choisis par leurs jurys respectifs. Ce qui veut dire que l'éditeur, La Pastèque, recevra deux fois 3000 $ pour la promotion du livre. Tous les lauréats touchent une bourse de 25 000 $, le Conseil des arts du Canada allouant aux prix du Gouverneur général un total de 450 000 $. Fait à souligner: l'auteur - lauréat du Grand Prix du livre de Montréal 2006 pour son roman Parents et amis sont invités à y assister - et l'illustratrice ne se sont rencontrés que deux fois, au début et à la fin du projet, travaillant le reste du temps, dira Mme Nadeau, «dans le non-lieu de l'intuition».

Suzanne Lebeau, quant à elle, a remporté son premier «GG» de théâtre à sa sixième nomination pour Le bruit des os qui craquent, sur les enfants-soldats. Dans un texte lu par l'éditeur Jean Barbe (Leméac), Mme Lebeau a remercié tous ceux qui «préfèrent le cri qui délivre au silence qui tue».

La Bromontoise d'origine belge Paule Noyart a remporté, pour sa part, le prix de traduction pour Le miel d'Harar (Leméac/Actes Sud), traduction française de Sweetness In The Belly de Camilla Gibb, et Susan Ouriou l'a emporté pour Pieces Of Me, traduction anglaise de La liberté? Connais pas de Charlotte Gingras. «Souhaitons que les prix de traduction débordent bientôt le français et l'anglais», a déclaré la directrice du Centre de traduction littéraire de Banff.

Finalement, le prix francophone de l'essai est allé à la Franco-Ontarienne Nicole Champeau pour Pointe Maligne, l'infiniment oubliée, publié aux Éditions du Vermillion. Inspiré de «la poésie du fleuve», l'essai traite de l'histoire du Haut-Saint-Laurent ontarien qui, outre la voie d'eau, a en partage avec le Québec le français. Message de nos frères canadiens: «Ne nous oubliez pas!»