«Il n'avait pas de nom à la naissance. Celui qu'on lui a donné - Bruno Damase Roy -, il l'aura ancré jusque dans le jour de son départ...» Renald Bérubé a bien connu l'écrivain Bruno Roy, emporté hier - le jour des Rois - par une hémorragie cérébrale à l'âge de 66 ans.

«Je lui ai enseigné à l'UQAM. L'homme était d'une générosité extrême, l'étudiant, lui, voulait avancer», nous disait hier M. Bérubé, ancien professeur de littérature française et toujours spécialiste d'Yves Thériault, à qui Bruno Roy a plus tard succédé comme président du Camp littéraire Félix, dans le Bas-du-Fleuve.Parler de Bruno Roy comme d'un homme engagé relève de l'euphémisme. Ses causes étaient nombreuses et son engagement dans chacune, total. La défense de la langue française - «secret d'une vaste enfance enneigée / sur le chemin du poète accompli» - lui a vaudra la Médaille d'honneur de l'Association des écrivains de langue française en 1993. Six ans plus tard, il recevra le prix Condorcet de la laïcité au nom du Comité des Orphelins de Duplessis dont il était la figure de proue.

Comment oublier par ailleurs le défenseur de la chanson, sa première cause dont il a aussi fait sa thèse de doctorat (U. de Sherbrooke, 1981). On lui doit, entre autres, Panorama de la chanson québécoise (Leméac, 1977), Pouvoir chanter, son oeuvre maîtresse sur le sujet (vlb, 1991) et, pour le 40e anniversaire de l'événement en 2008, L'Osstidcho ou le désordre libérateur (XYZ). Publié l'an dernier, le dernier livre qui porte sa signature s'intitule Les cent plus belles chansons québécoises (Fides) et a été illustré par Diane Dufresne.

«Homme de passion et de droiture»

Pour Stanley Péan, qui lui a succédé à la présidence de l'Union des écrivains du Québec, Bruno Roy était «homme de passion et de droiture». «Bruno, en quelque sorte, a été mon père spirituel», nous confiait hier le romancier jazzophile. «Il a fait de moi le porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres (M.A.L.), ce qui m'a mené à la présidence de l'UNEQ.»

Que Bruno Roy a dirigée de 1987 à 1996 et de 2000 à 2004, la faisant reconnaître comme représentant unique des écrivains et des écrivaines québécois. Péan rappelle que l'organisme doit, par ailleurs, à son prédécesseur l'établissement de la Maison des écrivains, avenue Laval, la mise sur pied, avec l'Association nationale des éditeurs de livres, du programme Copiebec et, avec d'autres, du Festival international de littérature.

«C'était un jusqu'au-boutiste qui travaillait sans compter, souvent au détriment de son oeuvre», avance encore Péan en soulignant que N'oublie pas l'été, le dernier roman de Bruno Roy (2007, XYZ), constitue une excellente porte d'entrée d'une oeuvre qui compte une trentaine de titres: roman, poésie, journal, récit (voir la bibliographie complète sur www.litterature.org).

«Un écrivain qui enseigne»

Bruno Roy, qui se définissait comme «un écrivain qui enseigne», a aussi été professeur dans plusieurs collèges et universités avec, comprend-on, la même passion, appréciée par sa grande famille des lettres.

Et soulignée hier par la ministre de la Culture Christine St-Pierre dans un communiqué rappelant comment M. Roy avait «oeuvré avec passion et efficacité à la défense des droits de celles et de ceux qui réinventent sans relâche notre imaginaire collectif».

En 1991, Bruno Roy s'était ouvert à notre ancien collègue Pierre Vennat sur son état d'orphelin et son cheminement subséquent vers la conquête des lettres: «Je suis, disait-il, un écrivain hors-père.»

Son ancien professeur et ami, Renald Bérubé, nous racontait hier avec beaucoup d'émotion, comment, il y a quelques années au Salon du livre de Québec, il avait croisé un Bruno Roy «en état de grande exaltation». «Une de ses deux filles venait d'accoucher et l'événement le comblait. Il m'avait dit: «Je n'ai jamais eu de famille, alors je m'en suis créé une...»»

Et l'écrivain-père écrivait, lucide: «J'irai par un jour de lumière apprendre à mourir.»