Vendre des livres reste toujours l'objectif. Avec les lois immuables de l'offre et de la demande. Si l'objectif de base est inchangé, à l'ère du livre numérique, tout le reste se transforme dans ce qu'on appelle encore la chaîne du livre, qui amène l'oeuvre de l'auteur au lecteur.

Dans sa facture traditionnelle, la séquence de cette chaîne était auteur-éditeur-imprimeur-distributeur-libraire. À ce bout s'ajoute la bibliothèque, où le lecteur remplace l'achat par l'emprunt. Rien de tout cela n'a beaucoup changé depuis Gutenberg, mais aujourd'hui...

À l'invitation de l'Association des libraires du Québec (ALQ), une centaine d'acteurs de la chaîne du livre se sont réunis hier à l'ExCentris pour réfléchir à l'avenir immédiat.

Quel besoin d'un imprimeur quand on lit des e-books? Comment le libraire remplit-il ses coûteux rayons avec toutes ces oeuvres dématérialisées? Quel rôle pour le distributeur alors que tout porte à la disparition des intermédiaires? Quel est le nouveau rôle de chacun, en ces temps où la technologie transforme non seulement l'oeuvre elle-même, mais le rapport traditionnel entre l'auteur et son lecteur? Ainsi ce web auteur qui a écrit sur Twitter un roman de 5200 «twits» (paragraphes) de 140 caractères. Nouvelle textualité et nouvelle relation auteur-lecteur... de laquelle le libraire est exclu. Ce qui ne veut pas dire qu'il est condamné.

Le libraire, a-t-on entendu hier, doit se définir, et vite, une personnalité numérique qui tienne compte de son rôle traditionnel de guide et de conseiller. Mais comment? Et à quel prix? Plus de 80 % des librairies québécoises sont informatisées, la moitié ont un site internet mais seulement le dixième de ces sites sont transactionnels.

Les Américains en avance

Pendant ce temps, les géants américains roulent les mécaniques. Et la langue ne constitue plus une barrière. Google lancera l'été prochain la plateforme GoogleEditeur, avec 500 000 titres numériques, précise Nicolas Langelier, journaliste et conseiller numérique aux éditions du Boréal. Le client achète son livre numérique directement de l'éditeur, sans passer par un libraire? Soixante-trois pour cent des recettes vont à l'éditeur et 37 % à Google, qui dit avoir des ententes avec 30 000 «partenaires».

Le libraire peut en être s'il le veut: le client pourra alors acheter son e-book par l'entremise de la librairie de son quartier: ici, 45 % des recettes vont à l'éditeur, Google et le libraire se partageant 55 %... dans des proportions qui restent à déterminer. Mais il faut se décider...

Les éditeurs ont leur entrepôt numérique, l'ALQ a son site transactionnel (livresquebecois.com), mais le retard du Québec va quand même de «léger» à «sérieux». Une chose est certaine toutefois: le pays a sa Génération C, ce 1,2 million de «technoconsommateurs» nés entre 1982 et 1996 qui Communiquent, Créent et Collaborent dans l'univers numérique. Sur iPod, téléphone portable, etc.

Oui, il reste beaucoup de livres de papier à vendre, mais les acteurs traditionnels sentent l'urgence d'arrêter leur stratégie pour ne pas se retrouver comme le maillon le plus faible de la chaîne du livre virtuel. Angoisse face à la «chronodégradabilité»...