Une adolescente timide est parachutée dans un camp de vacances où la vie s'apprend à la dure. Une journaliste, témoin d'une guerre indigne, revient de son séjour avec, dans sa valise, l'unique espoir d'une mère pour son garçon. Un père met en péril, en toute bonne foi, la vie de ses deux enfants. Des hommes au coeur volage sèment l'amour et s'enfuient avant la récolte.

«Il y a une fêlure en chaque chose, cite l'un des personnages de Onze petites trahisons, et c'est par là qu'entre la lumière.» Et c'est aussi par là, devine-t-on, qu'Agnès Gruda a glissé son regard, pour écrire les 11 nouvelles qui composent son remarquable premier recueil.

Ses Onze petites trahisons sont comme des portes qu'elle entrebâille pour nous laisser voir des scènes de vie. Des destins qui atteignent leur «point de bascule» là, sous nos yeux. Des histoires qui nous sont racontées avec des mots clairs, simples, nets, ceux qui feront image, ceux qui nous frapperont.

Il y est question de trahisons, bien sûr - on est infidèle, on déserte, on ment. On trahit ses origines et sa langue. «Mieux vaut apprendre à dire «estidfolle» et «calissedemongole» avec l'intonation parfaite, (...) apprendre à aimer le Cheez Whiz et les bines», que de vivre en étrangère, dira la bouleversante Magda, alias Mado, dans Un prénom simple. On trahit, on pèche par omission, on se venge, on est tour à tour victime, ou bourreau, ou les deux.

Mais on cherche à comprendre. Désespérément. «... que d'efforts pathétiques nous déployons pour essayer de saisir, de capturer, d'emprisonner, quand tout ne fait que passer», écrit Agnès Gruda. Et c'est vrai que tout ne fait que passer. Sauf les écrits. Et ce recueil, n'en doutons pas, est là pour rester.

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Onze petites trahisons. Agnès Gruda. Boréal, 2010, 287 pages.