Ce nouveau roman, Je ne veux pas mourir seul, Gil Courtemanche estime l'avoir écrit comme une épitaphe. Ce n'est pas tant le cancer du larynx qui l'a rongé et poussé à cette autofiction que la peine amoureuse, la perte d'une femme qu'il aimait plus que tout au monde. Il veut qu'on sache, lorsque viendra l'éloge funèbre, que l'essentiel n'aura pas été sa carrière de journaliste et ses succès littéraires. «Je tenais plus à cet amour qu'à la vie comme telle, et je l'ai perdu. J'ai raté ma vie.»

Si la vie ne l'a pas épargné ces derniers temps, Gil Courtemanche s'épargne encore moins. À peine remis de ses traitements pour le cancer du larynx, il avoue avoir recommencé à fumer. Très peu - surtout comparé à l'époque où il fumait trois paquets par jour - mais «c'est la seule chose qui me détend totalement. C'est ridicule».

La preuve est aussi ce nouveau roman, dans lequel il se livre sans pudeur et sans pitié pour lui-même. Un récit très personnel - il ne s'embarrasse pas du «Je est un autre», c'est Gil Courtemanche qui parle - sur son ratage amoureux et son cancer. La décrépitude du corps, l'échec, la douleur, la détresse, l'écrivain raconte tout, sans détour. La peine d'amour y est manifestement pire que la maladie. «Je pense que les gens qui écrivent ont un devoir d'impudeur, dit-il. C'est tellement mal vu. Surtout chez les hommes.»

Un roman qui alterne entre la vie et la mort, à chaque chapitre. La vie ayant été tous les moments passés avec celle qu'il aimait, la mort tout ce qui se vit maintenant sans elle. La maladie serait presque un détail si l'aimée était là. La disparition des sentiments, c'est la disparition de la vraie vie, croit-il. «Le cancer, c'est la vie animale, mécanique. C'est une constatation, bêtement. Alors que la disparition de l'amour, ça remet ce que tu es, toi-même, en question.»

«Je croyais profondément que le bonheur et l'amour protégeaient contre les maladies», écrit-il... Tout en affirmant qu'il aurait changé ses mauvaises habitudes, et ses mauvaises attitudes, si elle le lui avait demandé. «Mais les femmes se lassent de deviner l'amour de leur homme. Et elles ont raison.»

Le bonheur est la pire injustice que Dieu a faite à l'homme, selon lui. Les intellectuels s'en défendent en n'y croyant pas, mais Gil Courtemanche, qui se considère aux «trois quarts intellectuel», y a cru. «J'ai découvert un peu tard qu'à choisir entre le succès de Un dimanche à la piscine à Kigali (deux millions d'exemplaires vendus dans le monde) et faire pour un soir la cuisine à ma blonde, je préfère lui faire la cuisine.»

Il espère que son témoignage servira au moins à d'autres, comme ce fut le cas pour tous ses romans, jusqu'à Le monde, le lézard et moi paru cet automne. «J'écris pour le con qui refuse de se faire embrasser par sa blonde en public, alors qu'elle est sur le point de le quitter, même s'il en est follement amoureux.»

Je trouve aussi que la parole est donnée seulement à ceux qui sont bien, les «résilients» qui passent à la télé, qui racontent comment ils ont vaincu le cancer, comment ils ont retrouvé la femme de leur vie, qui font de la raquette à 92 ans... Ce n'est pas honteux d'être désespéré.»

Je ne veux pas mourir seul est finalement une longue lettre d'amour, il le confirme, mais elle n'a pas été écrite dans le but de reconquérir la femme perdue. «C'est plutôt une lettre d'amour pour que tous sachent que je l'aimais autant. C'est peut-être une lettre d'amour aux autres, pour ceux qui sont en train de vivre la même chose.»

Croit-il encore, malgré tout, à l'amour et au bonheur? «Ah, pas pour moi. Je suis trop vieux, réplique-t-il spontanément. Mais pour les autres, oui. Enfin... Disons que j'y crois encore un peu pour moi, mais ce serait un amour qui n'aurait pas le même nom. J'ai assez raté l'amour que j'ai appris à aimer. Mais si je disais à quelqu'un «je t'aime», ce «je t'aime» aurait un tout autre sens. Pas le sens du «je t'aime» original et originel.»

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Je ne veux pas mourir seul. Gil Courtemanche. Boréal, 155 pages, 19,95 $. En librairie aujourd'hui.