Alors que nous plongeons avec délectation dans nos lectures d'été, que font les auteurs pendant la saison chaude? François Barcelo, qui vient de publier simultanément deux courts romans noirs, décrit à quoi ressemblent un été, et une année, dans sa vie d'écrivain. Et il nous parle de ses plus récents coups de coeur.

Le seul défaut de la neige, publié chez XYZ dans la nouvelle collection de romans courts Kompak, et Fantasia chez les Plouffe, paru en France dans la série Suite noire, sont deux plaquettes au style incisif et précis, dans lesquelles François Barcelo manie l'humour noir et le morbide avec un plaisir manifeste. «Il y a deux avantages à écrire court, explique l'auteur en souriant. D'abord, je ne risque pas de me perdre dans mes intrigues. Ensuite, comme je n'aime pas les descriptions, je peux tout de suite aller à l'essentiel.»

François Barcelo aime les personnages paumés et décalés, qui font, croit-il, de meilleurs romans. Les deux antihéros de ces «polars ruraux», qui s'enfoncent dans la malchance - l'un accumule les faux pas lors d'une fête de famille, l'autre les cadavres pendant une nuit de tempête-, sont assurément des cousins. L'auteur admet une parenté entre eux, et il l'assume totalement. «J'aime le regard enfantin, voire infantile, de ces personnages. Il n'ont pas de prétention, ils sont naïfs, quoique parfois un peu salauds. Mais ils ont en commun qu'ils ne voient pas la vie en conquérants.»

De toute façon, ajoute-t-il, le résultat est plus amusant si le personnage ne s'en tire pas. C'est pourquoi François Barcelo préfère le roman noir aux polars traditionnels, qu'il lit très peu. «Ça ne m'intéresse pas de savoir qui a tué qui, c'est pour ça que je balance souvent le nom de l'assassin dès le début de mes livres. Ce que j'aime, c'est être dans la tête de quelqu'un, qu'il lui arrive des choses complètement différentes de ce qui arrive dans la vie.»

C'est là la définition de n'importe quel bon roman, croit-il, et c'est ce qui guide autant ses choix d'écriture que ses choix de lecture. Ça, et le hasard. François Barcelo peut trouver un sujet de roman à partir d'une petite anecdote, et choisir un livre à la bibliothèque en fonction de sa position sur les rayons. «Toujours à la hauteur des yeux. Je n'aime pas me pencher, et je suis trop petit pour atteindre les livres des tablettes du haut.»

Une «belle vie»

Avec l'été qui commence, François Barcelo aimerait bien retrouver La petite et le vieux, de Marie-Renée Lavoie, qu'il a acheté au salon du livre de Val-d'Or, commencé et bien aimé, mais qu'il a égaré. Sinon, l'été n'est pas sa plus importante saison de lecture, ni d'écriture. «L'été, et l'automne aussi, je corrige et je termine les romans que j'ai écrits pendant l'hiver.» C'est pendant la saison froide que l'écrivain s'organise des conditions estivales, et optimales, de travail et de plaisir: François Barcelo part chaque année pendant plusieurs mois, près de la mer, en Thaïlande ou au Mexique, dans des lieux isolés où il peut se concentrer sur son boulot. «Pas de téléphone, pas de Coupe du monde à la télé, je peux vraiment être productif. Et comme j'écris tôt, je lis tranquillement l'après-midi, je bois une bière...» Là encore, il choisit ses lectures sans ligne directrice, fouille dans les romans laissés par les voyageurs, écume les librairies d'occasion.

Il l'admet: sa vie est «bien belle». À son retour de voyage, au printemps, il se consacre aux rencontres scolaires, puisqu'il est également auteur de livres pour enfants. Du roman noir à l'album Petit héros fait caca comme les grands, en passant par le roman jeunesse La fatigante et le fainéant (prix du Gouverneur général en 2007), il n'y a qu'un pas? «C'est vrai que je suis un peu Dr. Jekill et Mr. Hyde», rigole celui qui a été le premier Québécois à entrer dans la Série noire de Gallimard en 1998 avec Cadavres, devenu un film 10 ans plus tard sous la houlette d'Érik Canuel.

Le titre de Fantasia chez les Plouffe est d'ailleurs inspiré d'un autre roman noir publié en 1957, Fantasia chez les ploucs, de l'Américain Charles William. «On a demandé à des auteurs de la Série noire de partir de romans déjà parus dans cette collection, explique François Barcelo. J'avais beaucoup aimé l'original. Je l'ai même lu deux fois, c'est rare que ça m'arrive.» Écrit-on d'une autre manière quand on sait qu'on s'adresse d'abord aux Français? «C'est vrai que je fais attention à certains mots, mais si le contexte est clair, il n'y a pas de problème. Les Français doivent toujours avoir l'impression de tout comprendre, sinon, c'est de la faute de l'auteur.»