Si vous avez déjà pris l'avion, lézardé sur une plage, emprunté le transport en commun ou simplement mis le nez dehors, il y a de fortes probabilités que vous ayez aperçu le titre Mange, prie, aime (Eat, Pray, Love) dans les mains d'une femme aux yeux exorbités.

Sept millions de copies vendues à ce jour, en 31 langues, l'un des plus gros succès littéraires des 50 dernières années: avec son récit d'une année passée à retrouver l'équilibre en Italie, en Inde et à Bali, Elizabeth Gilbert a écrit un récit personnel qui a parlé personnellement à une génération de femmes qui, malgré les plus brillantes réussites, se retrouvent en eaux troubles.

«Quand Elizabeth Gilbert nous a proposé ce projet, nous avions l'intuition que ce livre marcherait très bien», relate Paul Slovak, vice-président de Penguin, éditeur d'Eat, Pray, Love. «À sa sortie, le livre a reçu d'excellentes critiques et fait la couverture du cahier Livres du New York Times. Je pense que les lecteurs, surtout les femmes, sont tombés en amour avec la voix de cette auteure qui dit que dans la vie, on peut prendre les rennes de son bonheur sans se soumettre aux pressions de la société», dit Slovak.

Marie-Claude Beaucage, réalisatrice de l'émission de Christiane Charrette à la Première chaîne de Radio-Canada, est tombée sur Eat, Pray, Love il y a trois ans, après avoir lu une chronique du Globe and Mail qui affirmait que c'était «un livre qu'il FALLAIT lire».

«Ça tombait à une période où j'avais un gros chagrin d'amour. Et il y a eu une adéquation parfaite entre ce livre et ce moment précis dans ma vie. Je l'ai dévoré en trois jours, soulignant plusieurs passages», confie la jeune femme qui, dans la plume d'Elizabeth Gilbert, a eu l'impression de tomber sur quelqu'un qu'elle connaissait et qui lui parlait personnellement.

«Je craignais que ce soit de la «chicklit» pure et dure. Mais au contraire, on sent que c'est senti, investi, authentique. Cette lecture m'a permis d'amorcer toutes sortes de réflexions, sur comment je suis et ma façon d'aborder les relations. Au-delà de son voyage dans le monde, c'est surtout un voyage intérieur qu'elle vit. Ce faisant, elle amène plusieurs réflexions sur qui elle est, ce qu'elle cherche et veut dans sa vie sentimentale. Pendant cette année, elle apprend à composer avec ses émotions. Sa pratique de yoga l'aide aussi à trouver l'équilibre», dit Marie-Claude Beaucage, qui tout comme Liz Gilbert, est une convertie au yoga.

Paulette Cake, tout comme des millions de ses contemporaines, a vécu à peu près le même choc que Marie-Claude Beaucage.

«Quand j'ai lu ce livre, j'ai retrouvé un portrait tout craché de moi. Surtout dans la première partie, où elle se trouve atterrée au sol, incapable de se lever, pendant une peine d'amour», relate celle qui estime avoir traversé le même processus de guérison qu'Elizabeth Gilbert. «Mais contrairement a elle, qui part en Italie pour manger des pâtes, j'ai fait ça à Montréal! Après mon divorce, j'ai trouvé une spiritualité, j'ai commencé à lire sur le bouddhisme, et il me reste seulement à trouver l'homme de ma vie!»

L'amie Liz

Pour ceux qui auraient poursuivi la lecture de cet article, tout en ignorant quel incroyable destin a décrit Liz Gilbert pour attirer de si nombreux fans, résumons.

Journaliste pour des magazines prestigieux comme GQ - un de ses papiers a servi d'élément de base pour le film Coyote Ugly - auteur de trois romans et plusieurs nouvelles, propriétaire d'une grande maison et d'un appartement new-yorkais et marié depuis l'âge de 25 ans, Elizabeth Gilbert était un exemple de réussite.

Mais il y avait un hic: elle était malheureuse comme les pierres dans son mariage. Pire: alors que son mari était pressé de fonder une famille, tout ce qu'elle voulait c'était de voyager. Et après un divorce ruineux, une relation «rebound» désastreuse et une interminable dépression, elle est partie en voyage. D'abord en Italie, pour apprendre l'italien et redécouvrir ses sens gustatifs. En Inde, pour s'immerger dans la méditation et retrouver son sens du sacré. Et à Bali, pour goûter à la beauté... et trouver l'amour.

Marie-Claire Dugas, libraire chez Renaud-Bray Côte-des-Neiges, témoigne de l'incroyable popularité de Mange, prie, aime, qui est au beau fixe, quatre ans après sa parution. Et elle prévoit que la sortie du film moussera les ventes de ce livre qui, le jour de notre entretien, était en sixième place des ventes dans la catégorie «format poche» chez Renaud-Bray. Elle qualifie Mange, prie, aime de «un livre à part.» «Ce n'est pas comme les livres de vampires, où tous les jours un nouvel auteur apparaît. Mange, prie, aime est seul dans sa catégorie.»

Pour l'éditeur Paul Slovak, l'originalité de Mange, prie, aime réside davantage dans l'authenticité de l'écriture de Liz Gilbert que dans son propos. Le fait que Liz Gilbert soit une auteure sympathique ne nuit pas non plus. «C'est un livre qui attire beaucoup de lecteurs, surtout des femmes, en recherche spirituelle et intéressée par la philosophie orientale. Mais c'est aussi un livre de voyage sur l'Inde, l'Italie et Bali!»

Le phénomène Mange, prie, aime a eu d'énormes répercussions. Les touristes qui visitent Bali peuvent désormais rencontrer le vieux sage Ketut Liyer et manger chez Wayan, dans le cadre des «Eat, Pray, Love Tours». Depuis la parution du livre, la pizzeria Da Michele à Naples (où Liz Gilbert mange la meilleure pizza de sa vie) fait des affaires d'or.

Dans le sillon de la sortie du film Eat, Pray, Love avec Julia Roberts, une foule de produits dérivés seront mis sur le marché: bougies, crèmes hydratantes, bijoux, malas indiens, foulards...

Julia Roberts sera-t-elle crédible dans les jupes longues de «Groceries»? C'est la question de l'heure, pour quelques millions de gourmandes, pieuses et amoureuses.