Dans Fall, Colin McAdam fait le récit d'un triangle amoureux adolescent dans un pensionnat huppé semblable à celui qu'il a fréquenté dans les années 70.

Dans l'appartement du Vieux-Montréal où réside l'auteur Colin McAdam, il y a d'impressionnants murs de pierre, des piles de bouquins et une vue sur le Vieux-Port. L'auteur de Fall (en nomination pour un prix Giller en 2009, qui paraît en traduction française cet automne chez Boréal), partage sa vie avec Suzanne, radieuse poète aux cheveux blonds et Lola, adorable petite puce de 4 mois aux yeux ronds comme des billes.

Sur le comptoir de la cuisine sont alignées quelques bouteilles de Laphroaig et de MaCallan, rapportées d'un récent voyage à l'île d'Islay. «T'en veux un verre?» offre l'auteur, de manière on ne peut plus civilisée. Hélas, à 10 h 30 un mardi matin, il est un peu trop tôt pour le single malt.

Avant d'entrer dans le coeur du sujet de l'entrevue, Colin McAdam annonce que son roman Fall fait partie de l'histoire ancienne, en ce qui le concerne.

«Je l'ai achevé il y a déjà trois ans et je ne me souviens plus très bien pourquoi je l'ai écrit. En ce moment, je suis surtout absorbé par ce roman sur les chimpanzés sur lequel je travaille!» dit l'homme aux yeux perçants et à la dégaine d'Irlandais. Installé dans ce qui semble être son fauteuil préféré, il a devant lui un cahier de notes noirci d'une écriture soignée. Ce docteur en littérature écrit à la main, comme dans l'ancien temps. Sur le sol sont empilés des livres de fiction et un ouvrage de Jane Goodall portant sur son sujet de prédilection du moment: les chimpanzés.

«J'ai étudié longtemps, avec l'ambition de faire carrière dans le monde universitaire. Mais je détestais ça. Mon doctorat en littérature a tué mon amour des livres.» Dans une vie antérieure mais pas si lointaine, Colin McAdam était marié, vivait en Australie et occupait un job de rédacteur dans une firme qui publiait des textes juridiques. Son premier roman, Some Great Thing, a été un succès immédiat et inespéré, qui a complètement bouleversé sa vie.

«J'ai eu de la chance. J'ai gagné assez d'argent pour quitter mon boulot et depuis ce temps, j'écris de la fiction à temps plein. Mais c'est une façon vraiment galère de gagner sa vie», lâche celui qui est revenu vivre à Montréal, parce que cette ville lui avait plu pendant ses années d'études à McGill.

Après la chute, le chaos

Colin McAdam raconte qu'il a écrit Fall dans une période où sa vie éclatait en morceaux. «La publication de Some Great Thing m'a entraîné dans les hauts et les bas du monde de l'édition, ce qui m'a laissé un peu abasourdi. À l'époque où j'ai écrit Fall, j'étais en procédure de divorce avec mon ex-femme, qui est australienne.»

Fall, qui trace le récit d'un triangle amoureux adolescent, a pour toile de fond un pensionnat de la région d'Ottawa qui a comme étudiants des fils et filles de diplomates, quelque part au courant des années 70.

«Banalité de la vie à l'adolescence»

«J'ai essayé de dépeindre la banalité de la vie à l'adolescence. J'étais frustré de cette manière très nord-américaine de montrer, dans la fiction, des personnages d'adolescents qui sont plus sages et éloquents que tout le monde.»

Colin McAdam met en parallèle Noel et Julius, deux protagonistes naïfs, intrépides, gauches et obsédés par le sexe. Le titre Fall fait référence au personnage féminin de Fallon DeStingt, la petite amie de Julius qui disparaît mystérieusement. Julius est le fils de l'ambassadeur des États-Unis, un personnage que McAdam décrit comme «un ado typique de 18 ans qui veut juste être amoureux». Noel, qui partage sa chambre au pensionnat, est quant à lui décrit comme «un type malsain qui mythologise les gens».

«Je suis allé dans un collège privé dans ce genre-là», témoigne Colin McAdam, fils de diplomate né à Hong Kong, qui s'est promené un peu partout dans le monde. D'une part, avec Fall, il avait donc l'intention de défaire le mythe de la vie de collège idéalisée par des livres comme The Secret History, de Donna Tartt. Ensuite, parler de la vie communale d'un collège privé était aussi une façon d'évoquer l'impossibilité de vraiment connaître ceux avec qui on partage notre vie.

«Le sens de l'existence ne réside pas dans la façon dont nous regardons la vie, mais bien dans nos interactions avec les autres.»

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Fall. Colin McAdam, traduit par Lori St-Martin et Paul Gagné. Boréal, 440 pages.