Depuis deux ans, 48 bibliothécaires ont été engagés par les commissions scolaires du Québec dans le cadre du Plan d'action pour la lecture à l'école. On compte donc aujourd'hui 73 bibliothécaires, auxquels devraient s'ajouter une cohorte de 25 nouveaux professionnels en 2010-2011, confirme-t-on au ministère de l'Éducation, du Loisir et de la Science. À terme, dans huit ans, jusqu'à 200 nouveaux bibliothécaires devraient venir prêter main forte au réseau scolaire.

Pour l'heure, 73 bibliothécaires professionnels, cela peut sembler très peu pour desservir plus de 2300 écoles primaires et secondaires. Mais c'est déjà un pas de géant. «Avant que ce programme ne démarre, il y avait moins de 20 postes équivalents temps plein dans les 72 commissions scolaires, rappelle Jean Falardeau, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation-CSQ. Cela va permettre aux bibliothèques scolaires d'être plus à jour, d'être plus animées éventuellement.»

Un article publié dans notre cahier spécial sur le Salon du livre du 13 novembre a fait bondir d'indignation de nombreux bibliothécaires. Le titre «Profession: bibliothécaire» laissait croire à tort qu'il s'agissait d'un texte sur leur métier, qui exige un diplôme de maîtrise. Or, il était plutôt question de l'engagement exceptionnel d'une bénévole pour la promotion de la lecture chez les jeunes.

La question est délicate puisque tandis que bon nombre d'écoles comptent encore beaucoup sur des parents bénévoles pour faire fonctionner les bibliothèques, la profession de bibliothécaire est encore méconnue et parfois même en mal de reconnaissance. «Les gens ne comprennent pas qu'un bibliothécaire, ce n'est pas une personne qui est dans une bibliothèque et qui met des livres sur les rayons. D'autant plus qu'avec le numérique, la tâche se complexifie», souligne Régine Horinstein, directrice générale de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec, qui songe d'ailleurs à faire une campagne de promotion pour mieux expliquer la profession.

«On a tendance à voir les bibliothécaires dans un rôle très stéréotypé de prêteur de documents alors qu'ils font toutes sortes de choses, notamment de l'animation pour inciter les jeunes à utiliser la bibliothèque», ajoute pour sa part Jean Falardeau. Le travail des bibliothécaires vise aussi à appuyer la pédagogie, à intégrer les ressources de la bibliothèque dans les cours et pas seulement ceux de français.

«Malheureusement, dans le passé, les directions d'école ont laissé le développement des bibliothèques aux parents bénévoles, qui sont des personnes pleines de bonne volonté mais pas toujours qualifiées pour intervenir. Ce ne sont pas des bibliothécaires de formation ou des techniciens (en documentation)», explique-t-il.

Actuellement, beaucoup de nouveaux bibliothécaires travaillent dans les centres administratifs des commissions scolaires, en soutien aux bibliothèques, mais moins en intervention directe auprès des élèves, selon M. Falardeau. «Pour augmenter l'offre de services directs aux élèves, le programme ne sera pas assez rapide, estime-t-il. Il faudra en engager plus que 200 pour s'assurer que toutes les écoles puissent offrir de l'animation dans les bibliothèques. Au secondaire, il serait important qu'il y ait, autant que possible, des bibliothécaires dans chacune des écoles, dans la mesure où ce ne sont pas de petites écoles de 40 élèves.»

Une trousse pour redonner le goût de lire

Un exemple parmi d'autres de la variété des mandats des bibliothécaires: à la commission scolaire de la Seigneurie-des-Milles-Îles, la bibliothécaire Lyne Rajotte est responsable des 54 écoles primaires, tandis qu'un collègue se charge des écoles secondaires. Depuis son arrivée, elle travaille à l'implantation de deux bibliothèques modèles en matière de services et de collection. Elle est aussi appelée à aider les enseignants aux prises avec des élèves qui ne lisent pas ou qui se désintéressent de la lecture. Elle se rend en classe pour proposer des stratégies, des suggestions de livres.

Elle a ainsi créé une trousse itinérante d'une trentaine d'albums spécialement choisis pour raccrocher les 9-12 ans à la lecture et qui peut être empruntée par les écoles. La trousse connaît un tel succès qu'elle est réservée jusqu'en juin. Chaque mois, Mme Rajotte présente ainsi à de nouveaux groupes d'élèves de sixième année une sélection d'albums que les bibliothèques d'école hésiteraient peut-être à acheter parce qu'ils sont plus coûteux que des romans. Elle a choisi les titres non seulement parce qu'ils sont de qualité, mais parce qu'ils sont susceptibles d'intéresser particulièrement les garçons, notamment Les douze travaux d'Hercule, d'Anne Jonas, (qui trouvent des échos dans bien des jeux vidéos et films fantastiques), le King Kong d'Anthony Browne, L'homme-bonsaï, de Fred Bernard ou 21 éléphants sur le pont de Brooklyn, de April Jones Prince, tiré d'un fait vécu. Des succès chez les filles? Les amants-papillons, de Benjamin Lacombe et le Catalogue de parents à l'intention des enfants qui veulent en changer, de Claude Ponti.

La réponse est excellente, semble-t-il. Et le projet a déjà fait des petits puisque la bibliothèque municipale de Blainville a accepté de recréer la même trousse à l'intention des écoles primaires de son territoire.