L'année 2010 a été riche en découvertes. Un aperçu des titres qui n'ont pas forcément eu beaucoup d'échos dans les médias mais dont on gardera le meilleur souvenir.

Il porte le même nom que le chanteur et guitariste de Pink Floyd, a été critique de cinéma et animateur à CBC, a écrit quelques romans dont Une nuit rêvée pour aller en Chine (Leméac Actes-Sud), est passé étrangement inaperçu au Québec, même s'il a remporté en 2005, dans sa version originale, le prix du Gouverneur général. Et voilà que David Gilmour nous arrive avec un dernier livre, L'école des films, à placer sans hésiter dans la catégorie des objets précieux. Le récit autobiographique d'un père désemparé de voir son grand ado entretenir une véritable aversion pour l'école. À bout de ressources et d'arguments, David Gilmour se résout à laisser son fils abandonner ses études à une condition: ils devront regarder ensemble trois films par semaine, les analyser et les commenter. Des 400 coups à Pulp Fiction, en passant par d'obscurs films de répertoire et des «trésors enfouis», le cinéma devient prétexte à parler de la vie, de l'amour, des femmes, de la famille, du rôle des parents, et de l'adoration d'un père pour son fils. Traduit, chanceux que nous sommes, par une Québécoise, Sophie Cardinal-Corriveau, qui a su rendre les dialogues on ne peut plus vivants et crédibles (les Français ont une autre version, intitulée Le Film Club...), ce livre fait partie des plus belles surprises de la cuvée 2010.

Une année où les récits autobiographiques ont été nombreux et riches. Parmi les plus mémorables, celui de Nicolas Langelier, Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles (Boréal), la petite histoire d'un hipster qui voit ses convictions et son assurance blindée se fissurer après le deuil de son père.

Véronique Lettre

Autre récit qui aura laissé sa marque, celui de Véronique Lettre, qui a fait paraître un livre écrit avec sa mère, Christiane Morrow. Ne vous laissez pas berner par son titre discutable (Plus fou que ça... tumeur!) et sa page couverture à la «chick lit». Ce récit d'une jeune publicitaire, mère de trois enfants, amoureuse de son chum et de la vie, qui apprend qu'elle est atteinte d'une des formes les plus graves de cancer du cerveau, est à la fois bouleversant et drôle. Bouleversant, car l'auteure parle sans détour de la douleur et de la maladie. Et drôle, parce que même dans les pires moments, elle arrive à voir le côté cocasse des choses. Rassurez-vous, il n'y a rien d'ésotérique, rien de nouvel-âgeux dans ce journal intime d'une combattante publié chez Stanké. «Les livres qui me hérissent sont ceux qui prétendent nous aider à découvrir la signification de notre cancer», écrit-elle d'ailleurs. «Les enfants atteints n'analysent pas leur cancer. Ils ne se demandent pas ce que ça veut dire. Ils le vivent et c'est tout. C'est probablement pour ça qu'ils sont tellement plus sereins devant la maladie que nous, les adultes.»

Éric Godin

Toujours sur le mode autobiographique, un très court récit, tragique et beau, publié de façon quasi confidentielle et qui, signe des temps, mise sur l'internet pour rejoindre les gens. Dans sa Lettre à Vincent (éditions du Passage), l'illustrateur Éric Godin se fait auteur pour rendre hommage à son fils, qui s'est suicidé il y a un an, à l'âge de 15 ans. Peu de mots, mais des mots qui cognent. Un témoignage rare, sensible, illustré de magnifiques encres de Zilon. On peut commander le livre ou le lire en format PDF en se rendant à l'adresse suivante: https://web.me.com/boulosrobert/vinzo/lettre.html

Simon Paquet

Autre découverte de cette année, celle de Simon Paquet, jeune auteur né en 1977, qui, avec son deuxième livre, Une vie inutile (Héliotrope), a imposé avec aplomb un univers insolite. Cette fois-ci, c'est un faux récit autobiographique qu'il nous présente, le journal intime d'un raté même pas sympathique, Normand, dont la vie est une invraisemblable série d'échecs et de malchance. Ce serait terriblement démoralisant si Simon Paquet n'avait pas, lui aussi, un sens de l'humour et de la dérision irrésistible.

Photo: Denis Beaumont

Simon Paquet, auteur de Une vie inutile (Héliotrope).

William S. Messier

Encore plus jeune que Simon Paquet, William S. Messier, né en 1984, a lui aussi publié un deuxième livre cette année. Un roman planté dans le même décor que l'étaient les nouvelles de Townships, décor des Cantons-de-l'Est. Épique (Marchand de feuilles) raconte l'histoire de Jacques Prud'homme, héros populaire du comté de Brome-Missisquoi, qui gagne sa vie en ramassant les cadavres d'animaux sur les routes, et celle d'Étienne, qui devient son assistant le temps d'un été mouvementé. Un auteur dans la lignée des Éric Dupont et Sébastien Chabot, qui nous sort joyeusement des sentiers battus.

Photo: L'abricot

William S. Messier, auteur de Épique (Marchand de feuilles).

Jacques Côté et Martin Michaud

On terminera cette petite revue de l'année en compagnie de deux auteurs de romans policiers. Le premier, Jacques Côté, est loin d'être un nouveau venu. Mais l'auteur de Nébulosité croissante en fin de journée et du Chemin des brumes change cette fois-ci de registre. Le quartier des agités (Alire), premier tome d'une série intitulée Les cahiers noirs de l'aliéniste, est à la fois un roman historique et un polar, mettant en vedette Georges Villeneuve, premier surintendant de l'asile Saint-Jean-de-Dieu. C'est fouillé, minutieux et passionnant.

Le second, Martin Michaud, faisait paraître aux premiers jours de l'année un premier roman, Il ne faut pas parler dans l'ascenseur (Éditions Goélette), tout à fait étonnant. Une enquête en apparence classique, mais semée de trappes qui s'ouvrent sous nos pieds au moment où l'on s'y attend le moins. L'histoire d'une jeune femme, Simone Fortin, qui se lance aux trousses d'un homme aussi insaisissable qu'un fantôme. Et d'un détective de la police de Montréal, Victor Lessard, qui se retrouve plongé dans une intrigue... surréelle. La bonne nouvelle? Martin Michaud publiera la suite des aventures Lessard pour 2011. Quand à Jacques Côté, sa série comptera cinq autres tomes. On a déjà hâte à l'an prochain!

Photo: Karine Patry

Martin Michaud, auteur de Il ne faut pas parler dans l'ascenseur (Éd. Goélette).