À un jet de pierre du Centre Bell et à quelques portes d'un bar couru, la belle maison patrimoniale aux volets bleus attire le regard, rue de la Montagne. S'il n'en tient qu'au chanteur Alexandre Belliard, cette résidence construite en 1845 va également attirer les amoureux de poésie, de littérature et d'histoire québécoises: c'est là que s'est installée, en septembre, la Médiathèque littéraire Gaétan Dostie.

«C'est une espèce de Disneyland littéraire», lance Alexandre Belliard, avec un grand sourire aux lèvres, à propos de la nouvelle Médiathèque littéraire Gaétan Dostie: une médiathèque privée où sont en effet réunis des centaines et centaines de poèmes et des milliers de livres d'auteurs québécois, sans compter quelque 500 heures d'entrevues tournées avec des écrivains d'ici au cours des quatre dernières décennies.

Uniquement sur les murs de la vaste demeure, il y a 400 «pièces» exposées: poèmes manuscrits, poèmes-affiches, premières éditions, photos, tableaux, etc., répartis dans les 10 salons et les nombreux corridors de l'endroit. On y trouve aussi bien la toute première anthologie de poésie du Québec publiée en 1830, l'exemplaire de travail du manifeste Refus global ayant appartenu à Claude Gauvreau, un poème-affiche fait par Gilbert Langevin et Serge LeMoyne, un tableau de Saint-Denys Garneau, un mur consacré à Isabelle Legris, étonnante poète qui a écrit des poèmes incroyablement sensuels en 1946, deux ans avant la publication de Refus global... La jeune artiste de 18 ans a payé cette audace en étant envoyée au couvent pendant trois ans. C'est à la fois foisonnant et fabuleux!

C'est pour faire connaître les lieux et tous ces poètes connus ou méconnus que Belliard, en compagnie de Gaétan Dostie lui-même, annoncera mercredi une série de spectacles hors du commun, présentés une fois par mois, à compter de mars: deux chanteurs et deux poètes, réunis tous les quatre pour un spectacle inédit dans le «Grand salon» de la Médiathèque, spectacle précédé d'une visite de l'endroit. On ne révélera pas tous les noms de la programmation, mais sachez que Michel Rivard, Yann Perreau, Michèle Lalonde et Patrice Desbiens seront de l'une ou l'autre des soirées. Après tout, les premiers poèmes du Québec ne devenaient-ils pas populaires une fois mis en musique et chantés par tous?

Rien n'empêche d'aller visiter la Médiathèque de toute façon, spectacle ou pas. Ni de rencontrer Gaétan Dostie, poète (notamment du recueil Poing commun), éditeur, vidéaste, collectionneur, concepteur de visites commentées sur nos poètes et producteur d'expositions, l'un des «raflés d'Octobre 1970», mais aussi secrétaire de Gaston Miron de 1972 à 1975 et collaborateur d'Hubert Aquin aux éditions La Presse en 1975 et 1976.

C'est lui qui, depuis des années, a patiemment recueilli, rassemblé, réuni, collecté, repéré, acheté, installé tout ce qui se trouve dans la Médiathèque littéraire qui porte son nom - y compris un petit musée de l'impression, au deuxième étage.

La main à la pâte

En raison du moratoire actuel sur le financement des musées, il lui est impossible de demander des subventions. Avec l'aide d'une vingtaine de bénévoles, il ouvre donc les portes de la Médiathèque tous les après-midi de la semaine, et met la main à la pâte: pour le moment, il se concentre sur la conception des étiquettes de présentation des objets aux murs. C'est là qu'Alexandre Belliard entre en scène.

«À l'instigation de Michel Drainville du cégep Ahuntsic (Drainville qui a notamment créé Cégeps en spectacle et Cégeps rock, en passant), Gaétan Dostie a dirigé la publication d'une Anthologie des poètes disparus du Québec à l'intention des cégépiens, en 2007. Et j'étais le porte-parole de l'Anthologie, on a fait le tour des écoles, c'est comme ça que j'ai connu Gaétan», explique celui qui compte trois albums à son actif.

Impossible de résister à l'érudition et à la passion de Gaétan Dostie. Devenus amis, Belliard et Dostie ont continué à se voir. «Juste de penser que Gaétan a tourné des centaines d'heures d'entrevues et de spectacles de poètes et qu'il n'a pas un peu d'argent pour faire numériser ce trésor, ça me rend fou. Alors, à la mi-décembre, j'ai envoyé un courriel à dix de mes amis pour savoir s'ils voulaient aider la Médiathèque. Dix minutes plus tard, je recevais la réponse de Michel Rivard, Richard Séguin et Luc De Larochellière qui acceptaient.»

On le découvrira mercredi, ils ont été nombreux à accepter. Et à adopter la phrase de Victor Hugo: «Aimer, c'est agir.»

Médiathèque littéraire Gaétan Dostie (1214, rue de la Montagne), métro Peel ou Lucien-L'Allier; stationnement possible à l'arrière du bâtiment. Ouvert du lundi au vendredi, de 13h à 17h. Infos: 514 861-0880 ou info@mlgd.ca