Un recueil d'«histoires de filles» racontées par un panel d'hommes et de femmes, un autre écrit par des écrivains de la relève sur l'adolescence au masculin: l'heure est au collectif cet hiver. Ludiques et instructifs, Cherchez la femme et Être un héros lancent la saison et nous donnent quelques petits bijoux, parfois touchants, souvent empreints d'autodérision, sur l'identité sexuelle et ses clichés.

India Desjardins a lancé l'idée de Cherchez la femme par besoin d'exprimer quelque chose de «plus adulte». L'auteure, qui publiera cette année la huitième et dernière aventure d'Aurélie Laflamme, avait besoin aussi de combler sa peur du vide et de travailler sans contrainte. Elle a alors invité une quinzaine de personnes, hommes et femmes, à écrire pour elle. «J'ai eu 15 oui en 10 minutes! La seule chose que je leur ai demandée, c'est de m'écrire une histoire de filles. La commande était très large.»

La jeune auteure a ainsi réuni des gens qu'elle connaît bien et qu'elle admire, de la mère indigne Caroline Allard au cinéaste Podz, de Marie Hélène Poitras à Rafaële Germain, en passant par Sonia Sarfati, Nadine Bismuth et Guy A. Lepage. Le résultat est bien sûr inégal - c'est normal avec ce genre de projet-, mais India Desjardins s'est amusée à voir un ordre chronologique dans ces 17 nouvelles, qui commencent avec la sienne et se terminent avec celle de Patrick Senécal.

«Dans ma nouvelle, j'imagine le paradis terrestre avec Ève qui décide de s'assumer seule, et celle de Patrick décrit un monde parallèle où ne vivent que des femmes. J'ai trouvé qu'elles se répondaient.» Entre les deux, des histoires de showers, de célibataires, de mères angoissées, de soupers de filles, de culte de la beauté et de rapport au corps. Un portrait de la femme d'aujourd'hui? «Ce n'était pas le but, mais peut-être que ça démontre un peu où on est rendues. Les femmes sont fortes, indépendantes, mais la vie à deux est devenue difficile, comme si on ne savait plus comment se rejoindre.»

Peu de vrais «littéraires» ont participé à Cherchez la femme: India Desjardins voulait surtout réunir des gens à la pensée forte, des personnalités qu'elle avait envie de lire. «Je savais que ce serait percutant, je suis fière d'avoir réuni toutes ces personnes qui, ensemble, donnent des pistes de réflexion.»

C'est pourquoi elle ne pouvait faire autrement que d'inviter des hommes à y participer. «J'ai beaucoup d'amis gars, et j'avais envie de connaître leur vision. Ils sont touchants et je trouve que le livre est plus complet avec leur présence, leur regard. Dans une chicane de lave-vaisselle, qui a raison? La fille qui reproche à son chum de ne pas le remplir comme du monde, ou le gars qui ne voit pas pourquoi il y aurait une seule manière de le remplir ?»

La salle d'attente

Être un héros réunit de son côté des auteurs - masculins - de la relève qui ont fait leurs preuves, tels Deni Y. Béchard, Bertrand Laverdure, Nicolas Langelier et le cinéaste Stéphane Lafleur. «Ce sont des gars qui contribuent à définir le paysage littéraire québécois d'aujourd'hui», croit Geneviève Thibault, qui a dirigé ce recueil de neuf nouvelles destiné aux adolescents, mais qui peut aisément se savourer de 13 à 77 ans.

«La vraie bonne littérature jeunesse transcende la barrière de l'âge pour devenir universelle», dit-elle en expliquant qu'elle a voulu rapprocher une nouvelle génération d'auteurs de la littérature jeunesse, et mettre les jeunes «en contact avec leurs contemporains».

Comme Premières amours, publié en 2008 et qui réunissait un collectif de femmes, Être un héros prend le cliché à bras le corps. «Je savais qu'avec cette écurie d'écrivains, ils allaient brasser les idées reçues. Et ça ne parle pas tant d'héroïsme que de comment on devient un homme.» L'adolescence est une salle d'attente perpétuelle, croit-elle, une sorte de répétition générale, et les auteurs, tous assez jeunes, en sont encore près. Entre l'hilarant «drama queen» de polyvalente de Simon Boulerice et le tragique héros de la Résistance de Tristan Malavoy-Racine, les auteurs parlent d'angoisse de la performance, de dictature du groupe, d'amour silencieux, de camaraderie et de solidarité, et ils n'ont pas eu peur de révéler leurs failles. «Ce sont des blessures qui sont encore vives pour eux, analyse Geneviève Thibault. Je m'attendais à plus de bouffonnerie, j'ai trouvé de la tendresse, de la pudeur, un sens du chevaleresque, et surtout une absence de cynisme.»

«Je pense qu'en lisant ce livre, on en apprendra plus long sur les auteurs que sur les ados», estime d'ailleurs un des invités, Éric Dupont (Bestiaire), qui en était comme plusieurs à sa première oeuvre jeunesse. N'empêche que les affres de l'adolescence n'ont probablement pas changé tant que ça depuis la sienne, qui s'est déroulée à Matane il y a 25 ans, admet-il. L'impression d'être seul au monde, l'importance des amis, ces sentiments traversent assurément les générations.

Malgré le thème imposé, Éric Dupont affirme avoir été très libre de choisir son sujet. Il met ainsi en scène un jeune violoniste dirigé par une professeure russe excentrique, héros improbable qui réussit, à force de travail acharné, à jouer une pièce extrêmement difficile. «Je tiens la jeunesse en haute estime. Il y a plein de jeunes qui font des choses extraordinaires, qui sont au faîte de leur force intellectuelle et physique, nous savons qu'ils existent.» Pourtant, il n'a pas tant voulu parler des adolescents qu'écrire une histoire destinée à les distraire. «Je me suis rappelé mon adolescence, j'adorais les livres qui m'emmenaient ailleurs, me sortaient de mon quotidien.»

Geneviève Thibault a recherché cette indépendance d'esprit chez ses auteurs, cette capacité d'aller là où on ne les attend pas. Elle l'avoue, elle voulait des role models, des gars qui n'ont pas peur de se donner la permission d'être eux-mêmes, différents, et de sortir des carcans». Souhaitons que les jeunes - et moins jeunes - sauront recevoir ce qu'ils ont à dire.

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Cherchez la femme. Collectif d'auteurs dirigé par India Desjardins. Québec Amérique, 240 pages.

Être un héros. Collectif d'auteurs. La courte échelle, 184 pages.