Michèle Plomer s'est fait remarquer il y a deux ans avec HKPQ, roman initiatique, drôle et touchant se déroulant à Hong-Kong, où une jeune femme retrouve le goût de vivre aux côtés d'un poisson presque humain. Avec Porcelaine, premier tome d'une trilogie intitulée Dragonville, 100 ans et deux continents séparent les deux héros, dont les histoires parallèles se répondent et se rejoignent. Et cette fois, c'est une femme dragon qui incarne le merveilleux et la sensualité dans ce roman où se mêlent aventure et quête de soi.

Enfant, Michèle Plomer rêvait de Chine. Venir manger dans un resto du Quartier chinois avec sa famille représentait le comble de l'exotisme, et les aventures de Tintin dans Le Lotus bleu - son livre fétiche- nourrissaient son imaginaire comme rien d'autre.

Adulte, c'est en Chine que Michèle Plomer a décidé de partir travailler lorsqu'elle a eu besoin de changer d'air. Et c'est à Hong-Kong qu'elle a pu se retrouver, fuyant l'horizon des Cantons-de-l'Est pour se «coller»aux humains. «J'ai eu un véritable coup de foudre pour Hong-Kong. Là-bas, j'étais ignorée, anonyme», dit cette blonde toute menue, qu'on imagine pourtant très visible en Asie. «Oui, j'étais visible parce que différente, mais personne n'avait d'attente, rien n'était imposé.»

Depuis sept ans, la romancière partage ainsi sa vie entre le sud de la Chine, où elle enseigne, et Magog, son lieu de résidence au Québec. Son plus récent roman met en scène ces deux univers, qui revêtent pour elle la même importance. Car après HKPQ, paru en 2007, qui se déroulait exclusivement en Chine, la trilogie de Dragonville, dont le premier tome, Porcelaine, vient de paraître, fait le pont entre les deux continents. Parce qu'on ne peut pas passer sa vie à fuir.

Michèle Plomer opine: il lui fallait exorciser la Chine. «Dans HKPQ, la narratrice était en exil. Dans Porcelaine, le personnage de Sylvie doit affronter son retour au Québec, renouer avec son passé. Parce que l'exil est un état temporaire, dit-elle d'ailleurs dans le livre.»

Porcelaine raconte en effet le retour d'une femme qui a vécu quelques années en Chine et qui décide d'ouvrir une boutique d'importation chinoise dans son village natal des Cantons-de-l'Est. Dans le local qu'elle loue et rénove, elle découvre des idéogrammes chinois inscrits sur les murs: étrange hasard, le lieu a déjà été une buanderie tenue par un Chinois. Mais Porcelaine, c'est aussi l'histoire de Li, jeune homme vivant en 1910 à Hong Kong, poursuivi bien malgré lui par les triades et amoureux de Lung, incarnation terrestre d'un dragon.

«Mon défi dans HKPQ était de décrire la Hong-Kong contemporaine. J'ai eu ensuite envie de plonger dans le mythe, la Chine clichée que j'aime, avec de beaux hommes aux longs cheveux nattés, de l'opium...» L'univers créé par Hergé n'est jamais loin pour l'auteure de 45 ans qui est venue tard à l'écriture. «Mon premier roman (Le jardin sablier, paru en 2007), ça m'a pris huit ans à l'écrire! Ça fait long pour une plaquette de moins de 100 pages... J'avais le désir de vivre une vie de contemplation et d'aventurière. Je voulais être Tintin, sans être reporter.»

C'est le merveilleux du Lotus bleu qui l'avait charmée, et c'est ce qu'elle a voulu recréer dans Porcelaine: sa «dragonne» est ainsi une pure invention. «On sait qu'en Chine, les dragons sont partout et qu'ils sont tout-puissants. Qu'il y en ait un qui choisisse de s'incarner en femme pour connaître les plaisirs de la chair, pourquoi pas? C'était mon point de départ, et j'ai voulu commencer le livre comme une légende, un conte.»

Elle a ensuite écrit Porcelaine comme les lecteurs le lisent: en passant de l'histoire de Sylvie à celle de Li, plutôt que de les créer une après l'autre pour ensuite en faire un découpage. «La plus grande difficulté quand on écrit, c'est de passer par-dessus ses doutes. Chaque fois, c'était dur de laisser une histoire pour une autre, j'avais peur de ne plus être capable de continuer sur ma lancée. Je suis allée sans plan précis, mais il y a un rythme, un souffle, et j'espère que les lecteurs seront à l'aise dans ce déboulement. Ça permet aussi aux histoires de se répondre, ça sonne plus vrai je crois.»

Engagement

Michèle Plomer n'était pas partie avec l'idée de trois tomes et Dragonville devait tenir, à l'origine, en un seul livre. Mais rendue aux trois quarts du travail, elle ne savait plus comment contenir toute cette histoire dans sa tête. «J'ai parlé à Mélanie Vincelette (son éditrice chez Marchand de feuilles), et elle m'a dit: «Michèle, tu dois faire plusieurs tomes».» Elles se sont entendues sur un chiffre, trois, et voilà l'auteure lancée dans la deuxième partie de sa saga, où on suivra toujours Sylvie, et dans laquelle Li émigrera au Canada. «Pour moi, c'est comme si je m'assoyais pour écrire la page 314, simplement. Ça va de soi.»

C'est aussi tout un engagement, rigole-t-elle en montrant la bague qui l'unit non pas à un amoureux, mais à son éditrice... Elle s'admet finalement auteure, maintenant que l'essentiel de son temps est consacré à l'écriture: en 2010, elle n'a pas mis les pieds en Chine pour la première fois depuis six ans, mais se promet d'y retourner l'automne prochain.

Auparavant, elle profitera du prix France-Québec reçu l'automne dernier pour HKPQ, qui lui permettra de passer un mois en France. «Je vais même faire une séance de signatures au Salon du livre de Paris!» dit-elle, consciente de sa chance. Et comme la culture chinoise le lui a appris, elle fera tout en son pouvoir pour la faire durer.

«Je connais assez la Chine pour apprécier ses bons côtés, mais aussi pour être capable d'en prendre et d'en laisser. Et j'aime trop ma culture pour l'abandonner. Un écrivain a besoin de communiquer, c'est pourquoi je n'ai jamais voulu m'installer en Chine à temps plein. Je serais trop isolée. J'ai besoin de débattre, d'échanger, et je serais sectionnée d'une partie de moi si je ne pouvais pas le faire.»

Dragonville Tome 1: Porcelaine

Michèle Plomer

Marchand de feuilles, 313 pages