L'histoire d'amour entre Kim Thuy et les lecteurs québécois se poursuit. L'auteure de Ru a reçu, hier, le Grand prix littéraire Archambault, attribué depuis 11 ans par un vote du public.

C'est d'ailleurs en des termes amoureux qu'elle a reçu son prix. «Il y a des millions de mots qui se sont écrits et qui vont s'écrire sur l'amour. C'est un sujet intarissable, parce qu'indescriptible et impalpable. Mais aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir une preuve que l'amour existe, parce que chaque vote, pour chaque livre, en est une.»

Cette récompense vient clore une année exceptionnelle pour elle, depuis qu'elle a reçu le prix RTL-Lire au Salon du livre de Paris en mars 2010. Un parcours sans faute, marqué entre autres par le prix du Gouverneur général en novembre dernier. «Je suis mal à l'aise parce que Ru a eu tellement de lumière depuis sa sortie il y a un an et demi, et il me semble qu'elle devrait être partagée», a tout de même admis Kim Thuy en entrevue. Ce qui ne l'empêche pas de savourer ce lien étroit qui l'unit maintenant au grand public québécois, qui n'aura pas à attendre longtemps avant de la lire à nouveau: son prochain roman est terminé et devrait être en librairie pour la rentrée d'automne, toujours chez Libre-Expression.

Du côté du Prix de la relève, qui est choisi par un comité de lecture, il a été remis à Marie-Renée Lavoie pour La petite et le vieux - en nomination également pour le prix France-Québec. L'auteure, qui est professeure au cégep de Maisonneuve, a longtemps «gardé dans sa sacoche» ce texte publié chez XYZ, convaincue qu'il ne plairait pas. «Le Prix de la relève est un prix important, parce qu'il signifie continuer l'oeuvre des autres voix qui nous ont précédés, a-t-elle déclaré, ravie. En même temps, c'est beaucoup de pression, parce qu'il faut être à la hauteur.»

Les deux lauréates reçoivent chacune un prix de 10 000 $. Un montant de 2000 $ va à leur éditeur pour faire la promotion de leurs livres.

Sans controverse

Hier, il n'y avait plus aucune trace de la controverse qui a secoué les mises en nomination pour le prix littéraire Archambault en novembre dernier. L'auteur Gil Courtemanche avait alors demandé qu'on retire son nom de la liste pour appuyer les employés en lock-out du Journal de Montréal, propriété de Quebecor tout comme Archambault. Un autre auteur en nomination, Jean-Simon DesRochers, avait quant à lui déclaré qu'il remettrait sa bourse aux lock-outés s'il gagnait.

Les deux auteures ont suivi les débats de près, mais ont décidé de ne pas s'en mêler. «Moi, j'ai encore le regard de l'immigrante qui vient d'un pays où les livres n'existaient pas, a expliqué Kim Thuy. Célébrer les mots est toujours pour moi une occasion en or parce que les livres, c'est un luxe. Mon rêve serait que des ennemis fêtent le même livre ensemble.»

Marie-Renée Lavoie, elle, se voyait mal être en nomination et faire un esclandre le jour de la remise des prix. Et même si elle était interpellée par le débat sur la liberté de presse, la manière de Gil Courtemanche l'a mise mal à l'aise. L'auteur de Je ne veux pas mourir seul a en effet mis les autres finalistes devant le fait accompli la veille du dévoilement, les conviant à l'imiter.

«Demander aux gens de la relève de se retirer, c'était comme demander à ceux qui n'ont pas de voix de se taire.»