La nouvelle a eu l'effet d'une douche froide dans le milieu de la littérature jeunesse au Québec. L'auteur Maxime Roussy, qui a signé les populaires séries Pakkal et Le blogue de Namasté, a été accusé mercredi, à Chicoutimi, d'agression sexuelle sur l'une de ses fans. Les actes qui lui sont reprochés se seraient déroulés sur plusieurs années, de 2006 à 2010, dans la région montréalaise, alors que la jeune fille avait moins de 16 ans.

Or, le tournage de l'adaptation télé et web du Blogue de Namasté, une série destinée aux adolescentes, produite par Kondololé Films, allait commencer la semaine prochaine. Les auditions avaient eu lieu un peu plus tôt cette année. «Pour l'instant, nous sommes sous le choc, comme tout le monde, explique le producteur Ernest Godin. Nous avons suspendu notre collaboration professionnelle avec M. Roussy. Nous attendons les résultats de notre conversation avec le diffuseur.» Impossible de savoir pour le moment si le projet sera annulé, mais selon Ernest Godin, il s'agit d'une situation «incontrôlable» que l'équipe vit «un jour à la fois».

Hier, la page personnelle de l'auteur sur Facebook a été fermée. Sur la page de ses fans, on pouvait lire plusieurs commentaires de lectrices consternées, voire des insultes. Maxime Roussy, 35 ans, a été libéré sous conditions et a dû payer une caution de 3000 $. Il ne doit pas utiliser un ordinateur - les contacts avec sa présumée victime auraient été établis par courriel. Il lui est interdit aussi de communiquer avec la plaignante ou d'être en présence de toute personne âgée de moins de 16 ans durant les procédures.

Les auteurs jeunesse qui ont bien voulu réagir à la nouvelle tiennent à respecter la procédure judiciaire en cours sans porter de jugement. En premier Marie-Ève Larivière, qui a collaboré avec Maxime Roussy aux trois premiers tomes du Blogue de Namasté, et cela, même si cette collaboration s'est terminée abruptement, «pour des raisons personnelles». «En tant que mère, c'est le genre d'histoire qu'on veut entendre le moins possible», dit l'auteure, qui est aussi comédienne, et qu'on peut voir dans Kaboum. «Mais si la jeune fille a vraiment vécu ce dont Maxime Roussy est accusé, je suis heureuse qu'elle ait eu le courage de le dénoncer. Si les faits s'avèrent, pour ma part, je suis contente de ne pas avoir poursuivi cette collaboration.»

Claude Champagne, auteur du roman Le treizième crâne et de la série des Marie-Anne, n'en revient pas des accusations portées contre Maxime Roussy. «Je ne le connaissais pas personnellement, mais on se croise tous dans les salons du livre. J'ai de la peine pour sa famille, il a quatre enfants. Je ne veux pas porter de jugement tant que ce ne sera pas confirmé. J'ai connu un homme dont la carrière de professeur a été détruite par de fausses allégations.»

Cela lui ramène plutôt à l'esprit le projet de la Commission scolaire de Montréal d'imposer aux écrivains et artistes qui donnent des conférences dans les écoles la preuve d'un casier judiciaire vierge, et cela, à leurs frais. Une mesure qui a été dénoncée en 2010 par l'Union des écrivains et écrivaines du Québec, et qui avait recueilli les signatures de plusieurs auteurs de littérature jeunesse. Le dossier a été réglé depuis entre l'UNEQ et la CSDM. «On ne m'a pas encore demandé cette preuve», dit Steve Proulx, auteur de la série Le cratère, dont les tomes 5 et 6 viennent tout juste de paraître. «Mais de toute façon, je ne vois pas quel est le danger, les écrivains ne sont jamais seuls avec les enfants dans les écoles. Une histoire malheureuse est arrivée, il ne faut pas virer fou et mettre tous les écrivains dans le même bain.»

Maxime Roussy était parrainé par le programme Écrivain à l'école.

C'est le sort des fans de Maxime Roussy qui interpelle Steve Proulx. «Souvent, les jeunes aiment leurs auteurs, mais alors là, vraiment, dit-il. Ils les aiment d'amour. Ils sont dans le tout ou rien, et lorsqu'ils apprennent une chose comme ça, c'est une déception violente.»

Les Éditions La Semaine, qui publient Le blogue de Namasté, n'ont pas retourné notre appel. M. Roussy devra retourner au palais de justice de Chicoutimi, le 6 juin, après avoir pris connaissance de la preuve contre lui.