Quelques chapitres publiés sur le Net il y a plus de cinq ans ont propulsé un auteur anonyme sur le devant de la scène littéraire britannique. Trois livres plus tard, l'histoire s'est transformée en succès planétaire. Demeurant inconnu à ce jour, celui qui aime se faire appeler Bourbon Kid - du nom de l'un de ses personnages - a accepté de se livrer à La Presse. Entrevue exclusive - par courriel, évidemment - avec Anonyme, auteur des ouvrages Le livre sans nom, L'oeil de la lune et Le cimetière du diable, attendu ici le mois prochain.

Q Pourquoi avoir publié sur l'internet d'abord?

R Aucun éditeur n'acceptait de publier le premier livre parce que je ne voulais pas leur dire qui j'étais. Je l'ai donc mis sur l'internet pour prouver qu'une bonne histoire peut se vendre sans que l'on connaisse l'auteur. C'est un pari qui a été payant.

Q Comment avez-vous rencontré votre éditeur?

R Un auteur a lu le premier chapitre en ligne et en a averti son éditeur. La maison d'édition a adoré cela, ils m'ont cherché sur l'internet et m'ont fait une proposition. Bien qu'une seule personne chez mon éditeur connaisse ma vraie identité.

Q Pourquoi rester anonyme?

R Je suis heureux de mon anonymat. Même mes voisins ignorent que j'ai écrit ces livres. Mon voisin de palier le plus proche tient une petite librairie. Il vend mes livres, mais ignore tout de l'auteur. Imaginez-vous, parfois quand j'ai trop bu, je dis aux gens que j'en suis l'auteur, mais personne ne me croit.

Q Cette effervescence autour de votre identité ne risque-t-elle pas de faire de l'ombre à votre oeuvre?

R Je pense que n'importe quoi qui génère de l'intérêt pour les livres est bon. Je ne fais pas attention à ce que les gens disent, pourvu qu'ils disent quelque chose. Il y a également eu des suppositions étranges sur mon identité, allant de Quentin Tarantino au prince Charles.

Q Pourquoi un tel projet d'écriture?

R Je voulais écrire quelque chose qui a le rythme que vous pouvez trouver dans un film d'action comme Die Hard. J'ai donc écrit les livres et je les ai imaginés comme des films dans ma tête pendant que j'écrivais. Cela a plutôt bien fonctionné puisque, l'an dernier, Don Murphy (producteur de Natural Born Killers et Transformers) a acheté les droits pour une adaptation cinématographique.

Q Votre écriture est influencée par quoi et par qui?

R Mon inspiration vient en grande partie des films et de la télévision. Le livre sans nom est un mélange d'environ 30 films. Si vous le lisez attentivement, vous repérerez beaucoup de références à des films comme Seven, True Romance, Desperado, LA Confidential et The Lost Boys. [...] Je suis un cinéphile. Je pense que de 15 à 24 ans, je regardais au moins un film par jour. J'avais pour habitude d'apprendre les dialogues de certains par coeur. Jeune, j'ai aussi travaillé dans un bar durant quelques années. C'était un lieu particulièrement violent, mais où nous avions des soirées costumées. La violence avait donc des allures plutôt drôles. J'ai ainsi vu une fois un groupe de bonnes soeurs passer à tabac le grand Schtroumpf. La bagarre avait été interrompue par Elvis et Terminator! Ce genre de choses m'a inspiré quand j'ai écrit Le livre sans nom.

Q Pouvez-vous expliquer à ceux qui ne les ont pas lus ce que sont vos livres?

R Ils sont plutôt difficiles à résumer. On y trouve des vampires, des détectives, des moines, des tueurs en série, des chasseurs de primes, des loups-garous, des imitateurs d'Elvis. Le magazine Les Inrockuptibles a qualifié ces livres de «thrillers pop délirants».

Q Peut-on espérer lire un quatrième livre?

R J'ai écrit un quatrième tome intitulé Le livre de la mort, mais qui est finalement trop sombre et trop violent pour que je veuille le publier. Récemment, quelqu'un en France a lancé une pétition sur Facebook réclamant sa publication. Je vais devoir le relire et peut-être reconsidérer ma décision.

Q Ne seriez-vous pas finalement David Bowie, Sting ou Bono?

R J'ai une chose en commun avec eux trois. Nous sommes meilleurs chanteurs que comédiens!

Q Êtes-vous déjà venu au Québec?

R Oui, le Québec est un endroit extraordinaire et j'adorerais y retourner, sans doute pour découvrir les régions. Je suis allé dans un festival de films et j'ai vu le Canadien jouer. Il y a quelque chose dans le masque de gardien que je trouve à la fois hilarant et horrifiant. On m'a aussi emmené chez St-Viateur Bagel et au Fairmount Bagel, à Montréal. J'adore cette idée de boulangeries rivales. Bien que je ne révélerai jamais laquelle j'ai préférée!