Les amateurs de Julien Gracq, qui ont succombé en lisant Un balcon en forêt ou ont été bercés par la douce musique de son Rivage des Syrtes, trouveront dans Manuscrits de guerre le bonheur de découvrir deux cahiers inédits qui dorment à la Bibliothèque nationale de France depuis la mort de l'écrivain français en 2007 et que Bernhild Boie, universitaire allemande exécuteur testamentaire de Gracq, a ranimés.

Pour les fanas de récits militaires et de descriptions sur la Seconde Guerre mondiale, ces deux textes sur les souvenirs de guerre du jeune lieutenant Gracq illustrent bien l'atmosphère de la reddition de l'armée française en 1940. Les soldats à moitié ivres, la pagaille de l'état-major, la désorganisation des unités, le désenchantement des populations civiles. Intérêt historique mais aussi littéraire, car ces cahiers, l'un sous forme de journal, l'autre de roman, sont contemporains de la transformation du soldat Louis Poirier (son vrai nom) en Julien Gracq, écrivain.

L'écriture puissante, dense et parfois anaérobique de Gracq comblera les attentes de ses inconditionnels. On reste toutefois sur notre faim. Mais comme le dit sa traductrice américaine, Ingeborg Kohn, l'ouvrage permet de révéler tout un volet de l'auteur, celui d'un «officer and gentleman», dit-elle.

Manuscrits de guerre

Julien Gracq

Librairie José Corti, 246 pages

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