Deux ouvrages publiés récemment dressent un portrait fascinant et nuancé de Montréal, ville métissée, plurielle et ouverte dont la vitalité culturelle reste une des principales forces d'attraction. Pour voir la ville autrement.

Difficile de faire l'éloge de Montréal en cette année record de problèmes de circulation qui font rager tout le monde, même les piétons. Mais peu importe les plaintes, il restera toujours quelques irréductibles amoureux de cette île dont on oublie souvent l'insularité. Conçu pour le public européen, et dirigé par Marie-Andrée Lamontagne, Montréal la créative est un «mook» (un «magazine/book») publié par la maison d'édition Héliotrope qui peut très bien ranimer la f ierté des Montréalais «pure laine» ou d'adoption. En particulier s'ils sont versés dans les arts, principale locomotive du projet. Marie- Andrée Lamontagne et son équipe de collaborateurs ont mis l'accent sur les circuits culturels les plus prestigieux de la métropole et non les plus populaires.

C'est qu'elle fourmille d'artistes, cette ville, comme le rappelle une étude du groupe Hill Stratégies Recherche démontrant que « la concentration globale d'artistes à Montréal (1,5%) est presque le double de celle du Canada (0,8%). Et sa force est que sa vie culturelle «repose sur une foule de compagnies artistiques de moyenne et petite dimensions» selon Simon Brault, président de Culture Montréal. Les artistes de la métropole sont non seulement nombreux, ils sont aussi actifs... Dans les arts visuels et médiatiques, la musique, la littérature, le cinéma, le théâtre et la danse. Chaque secteur est abordé dans le magazine, le tout rehaussé par quelques portraits d'artistes et surtout, par les témoignages de ceux qui ont choisi Montréal pour y vivre précisément pour cette dimension. Les plaidoyers de Ian McGillis, Marc Zaffran, Dany Laferrière, Karina Gauvin, Denis Marleau , Yannick Nézet-Séguin ou David Altmejd, entre autres, sont là pour le prouver. Quel est le génie de ce lieu? , s'interroge Marie-Andrée Lamontagne dans l'introduction.

Le plus charmant est que tout le monde a sa petite réponse, à l'image du caractère «multipolaire» de Montréal, dont la « bipolarité « entre francos et anglos a longtemps fait de l'ombre à sa diversité. D'ailleurs, pour l'écrivain et professeur de littérature Jean- François Chassay, Montréal est une ville de déni : «Pendant longtemps, ses élites ont nié la dimension américaine de la ville; les francophones ont nié l'importance des anglophones dans l'identité de la ville, les anglophones ont nié l'existence des francophones...» Ces tensions n'empêchent en rien l'impression que Montréal est une ville où on se croit à l'abri des fureurs du monde. Pour le poète Joël DesRosiers, c'est une «ville d'égarés «... et c'est très bien ainsi. Culturelle, certes, mais allergique aux hiérarchies et pas toujours gentille envers les intellectuels, Montréal est une ville plurielle, son architecture est échevelée et anachronique (on se demande si elle est laide), le coeur ne parle pas toujours à la tête, elle n'est jamais rassasiée de festivals, et son obsession du consensus retarde constamment ses ambitions. «Montréal a beaucoup de charme, mais on a souvent l'impression que son grand potentiel attend encore d'être réalisé « dit avec justesse Jean-François Chassay.

C'est donc dans cet attachement indéfectible et cette attente palpable que vivent les Montréalais, ce qui peut expliquer leur dynamisme malgré les embûches. Montréal, une des capitales culturelles du monde? Personne n'en doute et tous le souhaitent. Ce guide hétéroclite, à l'image de son sujet, s'éloigne de façon intelligente des clichés touristiques pour tenter de cerner l'âme de Montréal par ceux qui la font vivre, et cela, sans gommer l'aspect critique, ce qui donne un résultat honnête, sans chauvinisme.

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Montréal la créative

collectif dirigé par Marie-Andrée Lamontagne

Héliotrope Autrement

125 pages