En 1998, les amateurs de polars découvraient les décors exotiques et enchanteurs du Botswana dans les polars d'Alexander McCall Smith. Dix ans plus tard, Michael Stanley (pseudonyme de Michael Sears et Stanley Trollip) a inauguré une nouvelle série nettement plus réaliste, campée dans le même pays, et mettant en scène l'inspecteur David Bengu, dit «Kubu» (l'hippopotame!), avec Un festin de hyène (Lattès).

Peut-on mourir deux fois? Exception faite de James Bond, pour qui rien n'est impossible, cet exploit inusité est plutôt rare! C'est pourtant à ce phénomène étrange qu'est confronté Kubu dans La Seconde mort de Tinubu. Deux vacanciers ont été retrouvés assassinés dans un paisible camp de touristes de Jackalberry au coeur de la jungle du Botswana. L'un des résidents est parti à la hâte le matin même sans laisser de traces. C'est une affaire peu banale, puisque Goodluck Tinubu, l'une des victimes, est officiellement mort depuis 30 ans!

Malgré les réticences des autorités locales, Kubu se lance tête baissée dans une enquête à haut risque, d'une grande complexité, aux multiples ramifications politiques. Au fil des interrogatoires et des recherches, c'est tout un passé agité de cette région de l'Afrique que redécouvre le policier, notamment la guerre civile qui a ravagé le Zimbabwe et qui a laissé de profondes cicatrices. Goodluck Tinubu avait trouvé la mort en participant à un raid meurtrier contre une ferme de colons blancs. L'actuelle propriétaire du camp de touristes avait alors échappé au massacre.

Ce deuxième polar de Stanley mêle fort habilement l'énigme policière, un exotisme de bon aloi et des éléments historiques, avec en prime, le personnage de David «Kubu» Bengu, un flic sympathique, gourmand, cabochard, bon vivant, doté d'une grande vivacité d'esprit.

Polar historique

C'est à Berlin, en mars 1930, que se déroule l'action de La Mort muette, deuxième roman de Volker Kutscher. Ce polar historique nous fait découvrir l'univers singulier du cinéma muet menacé par l'arrivée du parlant. Victime d'un sabotage, une actrice meurt sur un plateau de tournage dans les studios de Babelsberg. Puis, une deuxième actrice est assassinée et une troisième est portée disparue.

C'est au commissaire Gereon Rath de tirer au clair cette série d'incidents meurtriers qui pourraient être l'oeuvre d'un tueur en série farouchement opposé à l'avènement du cinéma parlant. L'auteur reconstitue avec finesse l'ambiance explosive du Berlin de l'époque, en proie à l'agitation sociale et politique, où les nazis ne sont encore qu'un groupuscule d'agitateurs. Quant à Gereon Rath, c'est un être complexe et torturé, colérique, obstiné et brutal qui ne vit que pour son métier de flic. Un récit complexe qui révèle les coulisses du milieu cinématographique de l'époque, en proie à sa querelle des anciens et des modernes.

Noirceur totale

Maud Tabachnik fait partie de ces quelques auteurs de polars féminins qui tournent résolument le dos aux mièvreries de la chick lit pour nous asséner des récits coups de poing pleins de bruit, de fureur et d'ultraviolence aveugle. L'action de Désert barbare (un titre qui ne trompe pas...) est campée dans le milieu sauvage et hostile du désert de Sonora (Arizona) où sévit une famille de fêlés qui massacrent des familles entières comme le faisait la bande à Manson.

Sandra Kahn, l'intrépide journaliste du San Francisco Chronicle, débarque dans cet enfer, à la recherche d'une fille de milliardaire disparue. Elle ignore que cette dernière s'est enrôlée dans la bande de cinglés qui terrorise la région. Dans ce polar au rythme trépidant, entièrement centré sur l'action, le lecteur a droit à quelques scènes hallucinantes, notamment à celle d'une poursuite haletante dans une tempête de sable meurtrière. D'une noirceur totale, ce thriller apparenté au western n'a qu'un défaut: la fin brutale, abrupte, peu digne d'un produit de série, m'a fort irrité et risque de surprendre, sinon de décevoir certains lecteurs.

*** 1/2

La seconde mort de Tinubu Michael Stanley Lattès, 547 pages

*** 1/2

La Mort muette Volker Kutscher Seuil, 668 pages

*** 1/2

Désert barbare Maud Tabachnik Albin Michel, 372 pages

La seconde mort de Tinubu, Michael Stanley, Lattès.