Presque deux ans après la disparition tragique de l'écrivain Nelly Arcan, sa famille a lancé officiellement hier un site dédié à son oeuvre. Un geste de générosité destiné à garder vivantes l'écriture et la mémoire de Nelly Arcan.

Parents, amis et collègues étaient réunis hier à la Société des arts technologiques pour l'inauguration du site www.nellyarcan.com, dont la porte d'entrée s'intitule «Une vie, plusieurs éclats». «Le thème de l'éclat évoque la part brillante de l'oeuvre, mais aussi le côté tranchant de son écriture et ce qui est brisé», a annoncé Jérôme Langevin, directeur de Parvis Communication, à qui la famille a commandé la construction du site.

Car il s'agit d'une initiative de la famille de Nelly Arcan, puisqu'elle détient les droits numériques de ses écrits, le tout géré par l'avocate Marilène Bélanger. Érik, le frère d'Isabelle Fortier - c'est le vrai nom de Nelly Arcan - a pris la parole de façon émouvante hier en faisant un parallèle entre la vie de sa soeur et sa vie de marin. «Je ne suis pas écrivain et, au milieu de l'océan, on n'a pas à se soucier de son image, a-t-il dit. Je sais ce que c'est que d'affronter les vagues et l'une d'elles l'a emportée. On dit que les marins ne meurent pas: ils disparaissent. Elle était attachée à l'écriture comme Ulysse à son mât. Ce soir, j'ai le sentiment d'accoster au même quai que ma soeur.»

Il n'y a rien à vendre ni d'argent à faire, a confié ensuite Érik Fortier. Le but du site gratuit est vraiment de garder vivante l'oeuvre de Nelly Arcan, et aussi «qu'on puisse penser à elle avec affection». Un acte d'une grande générosité de la part de ses proches, compte tenu du caractère parfois très dur de l'écriture de Nelly Arcan à propos de sa famille. «Il y a la réalité, il y a la fiction et il y a ce que les gens veulent bien croire», dit Érik Fortier, qui fait la part des choses et qui estime avoir rempli son devoir avec la création de cet espace virtuel. De toute évidence, il voue une grande admiration au talent et à l'intelligence de sa soeur.

Pas de potinage, pas de témoignages, mais énormément d'extraits et d'inédits sont publiés sur ce site qui se veut évolutif, et dont l'une des sections est ouverte aux lecteurs. On y trouve par exemple ses travaux d'université, ainsi que la nouvelle La honte, qu'on peut lire dans le recueil Burqa de chair qui sera publié la semaine prochaine au Seuil. «Pour le moment, c'est une grande mosaïque qui contient énormément d'archives, explique Fabien Loszach, l'un de ses concepteurs. Il y a ses écrits, ses chroniques, ce qui a été dit sur elle... Les éditeurs et les magazines ont été très gentils avec nous.»

Le site ne se veut ni biographique ni analytique, mais plutôt un guide pour les lecteurs de l'oeuvre, autant pour les spécialistes que pour les néophytes. «Pour que son oeuvre puisse survivre, il ne faut pas chercher à résoudre son mystère dans une lecture unique», a résumé Jérôme Langevin. D'où le côté polymorphe et en constante transformation du site, à l'image de son sujet.