Roman de la route, western, polar, aventures à profusion, Le sang des prairies, deuxième tome de la saga Les cahiers noirs de l'aliéniste amorcée avec succès l'an dernier par Jacques Côté, est une première, en ce sens que l'auteur, de son propre aveu, n'aura jamais touché autant de facettes dans un seul livre. Le personnage en toile de fond, Louis Riel, avait tout ce qu'il fallait, il est vrai, pour l'inspirer. Ce qui est aussi le cas de son protagoniste, le Dr Georges Villeneuve, surintendant de l'asile Saint-Jean-de-Dieu.

Roman historique donc par le fait même. « Tous les lieux, institutions et personnages publics [...] ont été empruntés à la réalité «, sommes-nous prévenus dès le départ. La lecture nous instruit sur un pan méconnu de notre passé, l'époque de l'avancée vers l'Ouest canadien et des luttes avec les Indiens et Métis qu'elle a provoquées. Voilà un livre qui mériterait grandement de faire son entrée dans les cégeps.

Le texte peut sembler aride au début. Il faut se familiariser avec les dates, les noms et le fameux Traité No 6 qui devait sceller le sort des Indiens, mais n'a pas toujours été respecté. Au fil des péripéties, les choses se clarifient. Vite, nous sommes happés par le récit. La construction, doit-on dire, est impeccable. Jacques Côté est un écrivain d'expérience. Ça paraît.

Parcours du coureur

Les lecteurs le suivent depuis Les montagnes russes, sorti en 1988, alors qu'il habitait face au fleuve, à Québec, « un taudis avec vue «, écrivait-il avec humour. Il habite toujours à Québec, une maison juchée de l'autre côté du cap Diamant, dans un charmant cul-de-sac. La vue donne maintenant sur les Laurentides. Entre-temps, Jacques Côté a rédigé sa thèse de doctorat qui porte sur « le jeu en littérature «. Passant de la théorie à la pratique, il a publié La tour de Londres, un roman rimé. Pour lui, écrire est un plaisir. « C'est lié, dit-il, à la détente. «

Ses meilleurs moments d'écriture se situent au retour d'une bonne course. « Deux plaisirs qui se conjuguent. « Notons que sa compagne de vie et première lectrice est la marathonienne Valérie St-Martin. Sans aller aussi loin qu'elle dans le sport, Jacques Côté s'entraîne régulièrement. De la même façon, il s'installe le matin à l'ordinateur pour concocter ses histoires. Du moins, lorsque son travail de prof au Cégep de Sainte-Foy lui laisse du répit.

Les enquêteurs Daniel Duval et Louis Harel, qu'il a créés après Les amitiés inachevées, lui ont valu jusqu'ici de nombreux prix parallèlement à la reconnaissance du public. Tellement que Le Chemin des brumes, quatrième tome de la série, sera suivi de deux autres romans, aussitôt qu'il en aura fini avec le troisième titre des Cahiers noirs de l'aliéniste, qui l'occupe actuellement.

Le sang des prairies

L'aliéniste est nul autre que Georges Villeneuve, apparu l'an dernier dans Le quartier des agités, à l'époque de ses études à Paris. Le Sang des prairies nous le ramène, mais avec un recul dans le temps. Ça se passe en 1885. Il n'a que 22 ans et agit comme capitaine du 65e bataillon de Montréal lancé vers le Far West, en train, à pied, en bateau. Une épopée incroyable racontée sous forme de feuilleton dans La Presse 25 ans plus tard pour commémorer la pendaison de Riel.

C'est le Dr Villeneuve, devenu surintendant de Saint-Jean-de-Dieu, qui signe. À son témoignage, il joint celui de François Lépine, interprète métis. Le point culminant porte sur le massacre de lac La Grenouille, Frog Lake, à l'est d'Edmonton. Heureusement que Jacques Côté a introduit des cartes géographiques pour nous situer cet épisode sanglant de la révolte des Indiens. Ses narrateurs donnent à voir l'ambiguïté du rôle joué par les francophones dans cette guerre de territoire. À lire pour mémoire. L'éditeur d'ailleurs s'appelle À Lire.

Le sang des prairies

Jacques Côté

Éditions Alire, 448 pages