Pour la moyenne des ours, le printemps est la saison de la renaissance et du recommencement et l'automne, la saison qui sonne le début de la fin. Pour la chanteuse et maintenant romancière Mara Tremblay, c'est le contraire.

Allergique à l'été, synonyme pour elle de down et de dépression, c'est à l'automne que Mara renaît de ses cendres et revient parmi les vivants. Et cet automne ne fera pas exception avec la parution de son premier roman, Mon amoureux est une maison d'automne, qui arrive en librairie aujourd'hui et raconte la quête de Florence, peintre et mère de deux gamins, qui n'arrive pas à faire le deuil de sa mère.

«J'ai toujours écrit. J'ai écrit un scénario de film alors que j'avais 7 ou 8 ans. Pendant toute mon adolescence, j'ai noirci des dizaines de cahiers bien avant de faire de la musique», raconte la nouvelle romancière dans un café où elle est arrivée sans guitare ni violon, mais avec ses bottes de cow-girl du Plateau.

Sur mon calepin, j'ai griffonné «Journal d'une bipolaire» pour résumer ce premier roman assez dur et assez lourd dont le personnage principal tente de s'extirper du cloaque de la dépression et y parvient avec plus ou moins de succès. Je lui demande: «Journal d'une bipolaire, est-ce que ça résume bien ton roman?» Elle fait oui de la tête sans la moindre hésitation.

«Les montagnes russes émotives que le personnage traverse constamment, c'est exactement le rythme qui m'habite. Chez moi, la bipolarité n'a pas des cycles de six mois, mais d'un jour, voire d'une heure. C'est hyper rapide et hyper violent, mais bon, je me soigne et ça va de mieux en mieux. Depuis que j'ai eu un diagnostic officiel de bipolarité, je contrôle le dosage de ma médication et, quoi qu'on en pense, je ne suis pas une capotée. C'est juste que mes neurotransmetteurs ne font pas leur job. Pour le reste, tout va bien.»

Ce premier roman au titre aussi mélancolique que l'automne n'est pas un projet que Mara Tremblay couvait depuis longtemps. Ce n'était d'ailleurs pas tant un projet qu'un élan surgi d'une urgence émotive à la suite du décès de sa mère, Ginette Martel, une orthopédagogue qui a eu Mara à l'âge tendre de 20 ans. «J'ai écrit ce livre dans l'espoir de débloquer une artère - enfin, façon de parler - et d'arriver à faire le deuil de ma mère qui est morte d'un cancer il y a trois ans. J'ai réussi à terminer le livre, mais malheureusement pas à faire mon deuil, c'est-à-dire à comprendre et à accepter que ma mère ne revienne plus. J'ose espérer qu'un jour, je vais y arriver.»

Mara Tremblay se souvient encore avec émotion des jours et des nuits passés au chevet de sa mère malade. Elle dormait à l'hôpital à côté d'elle, ne l'abandonnait que quelques heures. Elle était là lors de son dernier souffle. «J'ai fait preuve d'une force incroyable à ce moment-là. Je me suis occupée de tout. Ce n'est que plusieurs mois après sa mort et après une phase maniaque extrême à rénover ma maison et à m'acheter un tas d'affaires dont je n'avais pas besoin ni les moyens de me les procurer, que je me suis effondrée.»

Étrangement, malgré ce qu'elle en dit et ce qu'elle en perçoit, le coeur de ce premier roman ne porte pas vraiment sur la nécessité de faire son deuil d'un proche. Il porte plutôt sur un lourd secret de famille en forme d'agression dont le personnage principal a été victime pendant son enfance.

Pourquoi Mara Tremblay a-t-elle choisi d'explorer cette veine-là et d'en faire le noeud dramatique de son récit? Elle n'en a aucune idée. Elle semble avoir écrit un peu à l'instinct, sans plan précis, sans intention claire et sans prévoir les questions de ses futurs lecteurs, qui ne manqueront pas de se demander si ce secret de famille n'est pas en partie autobiographique.

«Je ne me suis pas tellement posé de questions en écrivant», commence par répondre Mara avant d'ajouter, d'un air un brin songeur: «Je ne sais pas pourquoi je suis allée aussi loin à ce sujet. Une chose est sûre: ce n'est pas quelque chose qui m'est arrivé. C'est arrivé à quelqu'un de mon entourage, qui ne m'a jamais raconté l'affaire en détail. J'ai tout imaginé, mais en m'inspirant des vieux mononcles cochons d'une certaine époque, quand les familles préféraient fermer les yeux sur l'inceste que de reconnaître qu'il y avait un agresseur parmi elles. Je voulais que ce passage du roman soit une sorte de délivrance pour celles ou ceux qui ont vécu cette blessure-là.»

Mara Tremblay ignore quel genre d'accueil recevra son premier roman, mais elle s'en fout un peu. L'important, pour elle, c'est de s'être rendue au bout de la route de l'écriture et d'en avoir la preuve tangible. Bientôt, elle remettra ses habits de musicienne et lancera, le 25 octobre prochain, un album éponyme, version live des chansons de la tournée Tu m'intimides. En attendant, elle savoure le début de l'automne, saison par excellence de sa renaissance.