La laïcité, doctrine politique issue de la modernité occidentale, est «une manière de dire et de pratiquer la totale neutralité de l'État en matière religieuse», écrit le sociologue Guy Rocher dans les premières pages de l'ouvrage collectif Le Québec en quête de laïcité.

On pouvait difficilement choisir mieux que le doyen de la sociologie québécoise pour poser les bases théoriques et historiques d'une problématique que trop de Québécois réduisent encore à la volonté de certains de «sortir les crucifix des écoles». En 1958, à Harvard, M. Rocher a soutenu une thèse sur les rapports entre l'Église et l'État en Nouvelle-France et, dans la décennie suivante, il a participé à la Commission Parent dont le rapport amorcera le processus de déconfessionnalisation du système éducatif québécois.

«L'État n'a rien de divin», écrit-il encore, n'est habilité ni à dire si existent un dieu ou une vie après la mort, pas plus qu'il ne peut «nier le sacré au nom de la science». Comme d'autres, M. Rocher réclame une loi, une charte de la laïcité, «pour enfin mettre un terme à la valse-hésitation des accommodements et à l'empire des décisions judiciaires».

À la séparation complète de l'Église et de l'État - qui interdirait aux fonctionnaires de porter des signes religieux ostentatoires comme le foulard islamique dans les lieux publics -, certains préfèrent une laïcité «ouverte», héritée de la tradition communautariste britannique (la doctrine de la laïcité stricte, elle, vient de la pensée républicaine française).

Ainsi, Françoise David, porte-parole de Québec Solidaire, réclame-t-elle un débat public qui dépasserait les échanges souvent acerbes sur la différence entre le «Nous» des «nostalgiques d'un Québec monochrome» et «Eux/Elles», les nouveaux arrivants à qui seuls incomberait l'obligation de s'adapter à «nos» traditions. La question est complexe et «il n'existe dans le monde aucun modèle absolu de laïcité même la France finance à hauteur de 80% ses écoles privées religieuses!».

Ici, pendant ce temps, le débat continue sur le programme Éthique et culture religieuse des écoles publiques. Dans un chapitre intitulé «Arguments contre une propagande», Marie-Michelle Poisson, présidente du Mouvement laïque québécois et professeur de philosophie au cégep Ahuntsic, s'inquiète «de devoir bientôt composer avec des étudiants habitués à penser que des actions doivent être jugées bonnes à la seule condition de correspondre aux pratiques en vigueur dans leur groupe identitaire». Le cours ÉCR fait une «valorisation excessive de la «différence» des «autres», soutient Mme Poisson qui réclame la suppression pure et simple du volet «culture religieuse», perçu comme le principal point d'ancrage du lobby religieux au sein du ministère de l'Éducation.

Un débat sur la laïcité, finalement, ne peut être complet sans l'apport des féministes chez qui cohabitent une certaine propension à l'ouverture et l'engagement total à dénoncer les violences faites aux femmes, musulmanes surtout, au nom de la religion. Louise Mailloux, féministe et athée, ne veut rien entendre de la laïcité ouverte dans laquelle elle voit un «retour au passé» menant à une «tolérance aveugle, respectueuse des pires archaïsmes, acceptant tout du religieux, y compris son sexisme offensant».

Le Québec en quête de laïcité, tant par son sujet que par la diversité des points de vue, devrait intéresser tout le monde: croyants et athées, hommes et femmes, «Autres» et «non-Autres».

Évolution théâtrale

Quelles différences essentielles, au chapitre de la facture théâtrale, existe-t-il entre Le Tartuffe de Molière monté par le TNM en 1968, avec Albert Millaire dans le rôle-titre, et Orgasme I Le Jardin, création collective présentée 10 ans plus tard par le Théâtre expérimental de Montréal avec Normand Brathwaite en jardinier?

Au-delà du texte et de sa portée, plusieurs aspects artistiques et structurels de ces productions viennent étayer les différences qui existaient alors entre le théâtre institutionnel et des regroupements qui, voués à la «création absolue», voulaient rompre avec tout ce qui s'était fait sur et autour de la scène avant eux.

Cette évolution et ses tensions sous-jacentes constituent le propos de l'essai De l'acteur vedette au théâtre de festival - Histoires des pratiques scéniques montréalaises 1940-1980. Dans cet ouvrage savant mais accessible, Sylvain Schryburt explique comment le metteur en scène en est venu à remplacer l'acteur comme star de la scène théâtrale et comment «le théâtre à papa» a réussi à se repositionner devant les pressions de la «marge».

Le Québec en quête de laïcité, de Normand Baillargeon et Jean-Marc Piotte, directeurs. Écosociété, 164 pages. *** 1/2

De l'acteur vedette au théâtre de festival, de Sylvain Schryburt. Presses de l'Université de Montréal, 395 pages. ****