Jean-Paul Dubois aime l'humour noir, et l'auteur d'Une vie française (prix Femina en 2004) atteint des sommets dans son nouveau roman, qui se passe entièrement à Montréal. Entre le Jardin botanique et L'Île-des-Soeurs, la ville sert de toile de fond et Jean-Paul Dubois évite le cliché du Français qui observe de l'extérieur sa société d'adoption. Son héros y vit, y travaille et utilise son réseau d'autobus, et cela va simplement de soi.

Le cas Sneijder commence avec un dramatique accident d'ascenseur qui laisse Paul Sneijder, l'unique survivant, sans repère et apathique. Il se retire alors du monde, observe tout - sa femme ultra-compétitive, ses jumeaux sans coeur, sa vie sans but- avec détachement et lassitude. Obsédé par la loi des probabilités, il se documente avec un zèle maniaque sur les ascenseurs - il est abonné à toutes les revues sur le sujet - et se lie d'amitié avec l'agent d'assurances de la compagnie qu'il devrait poursuivre.

Pour survivre, il se fait engager comme promeneur de chiens par un sympathique Grec obsédé par les nombres premiers et devient même «handler» le temps d'un concours canin où tout devrait aller mal, mais où tout finit bien - probablement les meilleurs moments du livre. «Vous avez déjà ramassé une merde de chien?» lui demande le patron de DogDog Walk au moment de l'engager. «Jamais», lui répond Sneijder. «J'en étais sûr.»

Dans Les accommodements raisonnables, son précédent roman, c'était la femme du protagoniste qui s'enfonçait dans la maladie mentale. Cette fois, c'est le héros lui-même qui perd contact avec le réel. Et même si Le cas Sneijder comporte des scènes morbidement drôles ou carrément hilarantes, c'est un livre grave et poignant sur les petites et grandes lâchetés que nous offre Jean-Paul Dubois, continuant ainsi sur le thème des accommodements. Avec son écriture toujours aussi fluide, il force la réflexion: se regarder dans le miroir sans avoir honte n'est pas donné à tout le monde.

Le cas Sneijder

Jean-Paul Dubois

L'Olivier, 225 pages

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