Plusieurs talents ont surgi dans toutes les disciplines artistiques cette année. Les Arts vous présentent neuf de ces nouveaux visages d'ici le 30 décembre. Aujourd'hui: l'écrivain Éric Plamondon. Hongrie-Hollywood Express, dont le titre s'inspire du Tokyo-Montana Express de Richard Brautigan, est le premier roman d'une trilogie annoncée par cet auteur, qui aura comme point focal l'année 1984 , où convergent ses visions de l'Amérique. «C'est un roman de jeunesse écrit à 40 ans», résume-t-il.  

De Bordeaux, où nous l'avons joint, nous avons entendu le célèbre cri de Tarzan, celui de Johnny Weissmuller. C'est la sonnerie du cellulaire d'Éric Plamondon, qui a fait cette année une entrée remarquée en littérature. Hongrie-Hollywood Express, son premier roman oppose les destins du narrateur, Gabriel Rivages, et de son sujet, Johnny Weissmuller, champion olympique de natation, qui a incarné le plus célèbre des Tarzans au cinéma.

«Tarzan, c'était un écologiste avant l'heure, sans arme et sans technologie», explique Plamondon, qui a eu cette révélation en voyant un documentaire sur Weissmuller à la télé. C'était le personnage qu'il lui fallait pour relier les textes qu'il écrit depuis des années. Parce que Plamondon s'était juré d'écrire un roman avant 40 ans, et il ne lui restait plus que deux mois pour accomplir son rêve quand il s'y est mis. Il a étudié le génie électrique et l'économie, avant de se lancer dans les études littéraires à l'UQAM, qui ont été les plus belles années de sa vie, affirme-t-il. L'étudiant a fait son mémoire sur la science de l'électromagnétisme dans le Moby Dick, de Melville, avant de devenir chargé de cours à l'Université de Toronto, et de tomber amoureux d'une Bordelaise qui lui aura fait changer de pays...

Parcours en dents de scie

On comprend plus facilement, par ce parcours en dents de scie, la forme de son premier roman, et combien le narrateur, Gabriel Rivages, est son alter ego. Rivages a fait bien des choses dans sa vie, mais rien qui n'atteint la portée étonnante de Weissmuller, qui finira tout de même dans la déchéance. Dans ce roman s'affrontent la vie «normale» et la vie «romanesque», qui s'éclairent l'une et l'autre. «Comment saisir une vie, qu'elle soit ordinaire ou extraordinaire? se demande Éric Plamondon. Est-ce qu'une vie plate peut avoir les mêmes incises pour apprendre quelque chose ou ça se fait juste dans l'extraordinaire? Est-ce parce qu'on a vécu une vie ordinaire qu'on a raté sa vie?»

Ce qui fascine Plamondon, c'est le moment où tout bascule, et Weissmuller, après la gloire, connaîtra les bas-fonds. «Plus dure sera la chute est une phrase qu'on emploie, dit-il. Il y a toujours cette figure de la chute qui revient dans toutes les histoires ou presque. Quelque chose se révèle dans cet élan vers un sommet, et ce point où il y a basculement. Ce n'est pas la mort qui est la déchéance, mais comment des vies peuvent tourner, comme un vin qu'on a laissé ouvert trop longtemps sur la table. Ça m'a toujours intéressé. Cette envie de vaincre ce point de basculement, car on y est tous confrontés un jour.»

La quarantaine

La quarantaine est-elle ce point de basculement? Ne faisons pas de psychologie à cinq sous, mais le roman s'ouvre sur cette préoccupation, et c'est la date limite qu'Éric Plamondon s'était fixée pour écrire son premier roman. Et voilà que c'est fait, même que Hongrie-Hollywood Express est en lice pour le prochain Prix des libraires. Ce «jeune écrivain» vient de perdre son emploi dans une entreprise médicale à Bordeaux, mais il voit ça avec optimisme. «C'est une mauvaise nouvelle au niveau travail, mais une bonne nouvelle au niveau écriture!»

Son deuxième manuscrit est déjà en correction au Quartanier et devrait paraître fin mars, début avril. Mayonnaise et Pomme S seront les deux autres romans qui compléteront la trilogie, qui tourne autour de l'an 1984. Référence au célèbre livre d'Orwell, bien sûr, mais aussi l'année de la mort de Weissmuller et de Richard Brautigan - principale influence de Plamondon, qui a lu son oeuvre en boucle pendant 10 ans. Et 1984, c'est aussi l'année de l'inoubliable publicité du premier Macintosh, réalisée par Ridley Scott, qui s'inspirait d'Orwell. Plamondon veut rappeler les racines californiennes, hippie et beatnik, d'Apple, «ce projet fou d'une société libre» qui n'a pas fonctionné, mais dont le rêve perdure encore sur le Net. La figure de Steve Jobs sera centrale dans le dernier roman, et la mort récente du gourou n'arrange pas l'écrivain, qui avait prévu son projet depuis longtemps!

«Sur la planète, tout a été découvert. Dans les derniers siècles, on ne cessait de découvrir de nouveaux territoires, c'était le Go West, ou le Go Up, vers l'espace. Pour la première fois, au XXIe siècle, le territoire se referme, comme c'est arrivé à Tchernobyl. Le territoire risque de diminuer avec les réfugiés climatiques. J'ai envie de faire le pari d'une reconquête de l'imaginaire, qui va se passer encore plus dans nos têtes. Avec l'internet, on parle d'une nouvelle intelligence collective, les nouveaux territoires à découvrir sont là-dedans, et c'est pour ça que je m'intéresse à Steve Jobs.»