L'une de nos plus populaires auteures de chick lit est de retour avec un troisième roman, Volte-face et malaises, écrit dans la discipline pour cause de deadline maternel. Et ce n'est pas parce que Rafaële Germain est aujourd'hui une mère heureuse et une épouse comblée qu'elle perdra ses lectrices, puisque son expérience des aléas de la vie amoureuse est beaucoup plus récente que celle de la vie de famille. Rencontre avec une optimiste.

On a beau savoir que Rafaële Germain a accouché de sa petite Élizabeth en janvier, on ne s'attendait pas à ce qu'elle accorde cette entrevue en allaitant. Surtout après avoir passé plus de 500 pages dans les bas-fonds de la peine amoureuse et de la quête existentielle très alcoolisée de Geneviève Creighan, sa nouvelle héroïne au centre de Volte-face et malaises. Mais, on l'avoue, c'est adorable. Surtout que «Zaza» rend complètement «gagas» ses grands-parents, Francine Chaloult et Georges-Hébert Germain, qui papillonnent autour.

Les choses ont bien changé depuis Soutien-gorge rose et veston noir, paru en 2004, et Gin tonic et concombre paru en 2008, deux best-sellers de la chick lit québécoise, dont le premier sera bientôt adapté par Myriam Bouchard au cinéma. «Un choc, tu dis? C'est un 18 roues dans le front», répond la nouvelle maman lorsqu'on la questionne sur le bouleversement provoqué par l'arrivée d'un bébé à 35 ans. Puis elle ajoute, en citant à la blague l'un de ses personnages qui déteste les gens «fonctionnels»: «Moi, les jeunes mamans béates avec les anges autour d'elles, je veux «qu'y meurent»! Pour l'instant, un deuxième enfant, c'est inconcevable pour moi, et ma grand-mère en a eu 14 sans se plaindre! Cet amour infini vient avec une angoisse absolue. L'insouciance totale et l'égocentrisme qui précèdent, ça finit du jour au lendemain!»

Rafaële Germain ne pourrait être plus éloignée des angoisses égocentriques de son héroïne qu'aujourd'hui, mais elle ne sent pas de distance entre sa nouvelle réalité et ce qu'elle écrit. «J'aurais trouvé plus absurde d'écrire sur la petite vie de famille alors que je n'en suis qu'au début. Mon passé est encore trop récent, j'ai une riche expérience là-dedans, mais là, j'ai fait le tour. J'aimerais écrire autre chose. Je ne sais pas quoi encore.»

Le bonheur est à Laval

Il faut dire que si Rafaële Germain raffole des comédies romantiques au cinéma, elle n'est pas vraiment une lectrice de chick lit et avoue n'avoir lu que Le journal de Bridget Jones. Elle ne pensait pas s'amuser autant en écrivant ses romans, encore moins connaître un tel succès (75 000 exemplaires vendus!). Volte-face et malaises devrait connaître un destin semblable, puisqu'on y retrouve la même célébration de l'amitié, tout aussi importante, sinon plus, que la recherche de l'amour, ainsi qu'énormément d'humour et encore plus d'alcool.

Mais cette fois, elle aborde la peine d'amour, qu'elle considère riche sur le plan dramatique. «Lorsque tu vis une peine d'amour, tu touches le fond à tous les niveaux. Le plus beau sentiment au monde peut déclencher les pires. Tu deviens mesquin, méchant, insupportable pour tes amis... Et cette fameuse phrase de taverne, qu'on doit toucher le fond du baril pour remonter, m'a donné envie de raconter cette remontée, qui ne vient pas du tout d'où on l'attend.»

Comme l'amour ne se présente jamais quand on l'attendait, d'ailleurs. Rafaële ne pensait pas tomber amoureuse d'un musicien, déjà père de deux enfants, qui aime porter des pantalons en «corduroy». «Tout ce côté «il faut s'accrocher à son rêve» de la chick lit est important, oui, mais le bonheur ne sera peut-être pas comme tu l'avais imaginé. L'abandon des rêves est peut-être finalement le pari le plus extraordinaire et le plus enrichissant que tu peux faire. Il y a quelque chose de beau dans cette volte-face...»

Plus surprenant encore, pour ne pas dire hérétique dans une certaine clique, le bonheur peut se trouver à Laval, où elle a acheté une maison avec son mari, écoeurée par les prix exorbitants des chiches condos du Plateau et du Mile-End. C'est peut-être ce qui explique pourquoi son héroïne se fait plaquer par son chum pour «une crisse de hipster à marde avec ses osties de lunettes du Mile-End»...

«C'est ce qui a le plus choqué mon entourage. Les jugements étaient intenses! Le bébé, le mari, tout le monde savait que ça finirait par arriver. Mais Laval, ça ne passait pas! Les amis viennent quand même me voir... Et cet été, qui était dans ma piscine avec un drink, hein? Qui?»

Rafaële Germain ressemble aujourd'hui à cette femme heureuse et épanouie que la plupart de ses personnages névrosés adoreraient haïr. Elle le dit sans complexe, elle aime les «happy ends» et n'adhère pas au cynisme ambiant, dans sa vie comme dans ses livres. «Il y a comme une mode de désillusion envers l'amour, mais aussi envers la société en général. L'optimisme est toujours vaguement ridiculisé et c'est quelque chose qui n'est pas loin de m'enrager. De croire qu'on peut trouver l'amour, de croire que la société peut s'améliorer, ça implique une certaine naïveté, ça peut être dur par bout, mais c'est d'autant plus héroïque quand ça l'est. Pourquoi ne pas espérer? J'aime bien créer des personnages de célibataires heureuses, parce que ça peut aussi être une belle fin.»

Et la vie au-delà du «happy end» ? «Janette Bertrand m'avait dit à mon deuxième roman que je devrais maintenant écrire ce qui arrive après, écrire sur la vie à deux. C'est une aventure intéressante...»

Volte-face et malaises



Rafaële Germain

Libre Expression, 526 pages

En librairie mercredi