Déjà couronné par le Grand prix du roman de l'Académie française, Joël Dicker a séduit les jeunes jurés du 25e prix Goncourt des lycéens, qui ont choisi jeudi son roman fleuve La vérité sur l'affaire Harry Quebert.

Avec 9 voix sur 13, l'histoire de ce jeune écrivain new-yorkais, en panne d'inspiration, qui renoue avec son professeur d'université accusé d'un meurtre commis 33 ans auparavant, a passionné les lycéens par «la structure du récit très bien faite et pour son point de vue sur l'Amérique», a expliqué Théo Herrerias, porte-parole du jury, élève en littérature à Saint-Étienne. «C'est un grand livre, un bon livre» a-t-il résumé.

Joint par téléphone, Joël Dicker a lancé aux lycéens: «C'est tellement incroyable! C'est totalement magique ce qui se passe avec ce livre.» Le jeune auteur de 28 ans a déclaré se sentir «très proche d'eux», avouant que ce prix était «un prix à part entière (...) C'est presque plus fort que le Grand prix de l'Académie!»

«Cela me fait tellement plaisir», a ajouté l'écrivain suisse, qui recevra son prix au ministère de l'Éducation nationale et rencontrera ses lecteurs chez le libraire Fnac de Montparnasse, partenaire de l'opération.

Malgré la majorité absolue obtenue par le Dicker, les 13 lycéens désignés pour représenter les 2000 élèves des 50 classes participant au prix décerné à Rennes ont longuement débattu, influencés par les polémiques autour de la personnalité de l'auteur.

Ce beau jeune homme brillant a sans aucun doute charmé les jeunes lycéennes qui ont participé aux rencontres avec les 11 auteurs retenus dans la première sélection.

Un argument qui a agacé Jeanne, étudiante à Bayeux: «Il y a eu plein de controverses à cause de son physique, sur le fait qu'il soit favori», mais «on a voté pour le roman, pas pour l'auteur». «Il le mérite, c'est vraiment le meilleur livre de la sélection.»

«J'ai adoré son intrigue extrêmement bien ficelée, la mise en abîme des conseils de Harry pour écrire un livre dans un livre, cela enrichit le livre. Quand j'ai fini le livre, j'étais limite en transe, c'était une aventure!»

Un roman qui engage à la lecture

Cette ferveur littéraire a d'ailleurs gagné certains élèves de sa classe qui ne lisaient pas ou peu, et qui ont dévoré les 600 pages du roman.

Venue de Montréal, Ikram avait échappé aux débats autour du roman qui n'était pas encore sorti au Québec, et s'est passionnée pour «l'intrigue, les enjeux des maisons d'édition, et la vision des États-Unis».

Le parrain de cette 35e édition, l'écrivain Pierre Assouline, membre de l'Académie Goncourt, a souligné que les lycéens «se fichent de ce que les critiques disent, ils votent avec leur coeur».

Le Goncourt des lycéens se calque sur son aîné, avec une première liste de 15 ouvrages, réduite à cinq (4 pour le Goncourt), des débats à huis clos entre jurés, mais sans considération pour les batailles d'éditeurs.

Le Goncourt des lycéens «a pris son envol très vite», avec une singularité affirmée. «C'est un signal fort pour dire combien, contrairement aux idées reçues, les jeunes lisent» et se passionnent pour ces romans contemporains.

Il a également rendu hommage aux professeurs, qui doivent s'investir dès la rentrée pour faire lire les livres sélectionnés. «Cela resserre les liens entre élèves et professeurs», a conclu le romancier également bloggeur et éditeur, qui avait pressenti la victoire de Joël Dicker.

Pour l'anecdote, Bernard de Fallois, enthousiasmé par la qualité du manuscrit, a écourté ses vacances d'été pour encourager Joël Dicker à remanier son récit (son deuxième roman), et le présenter pour la rentrée littéraire. Une intuition confirmée par le succès critique et public, qui devrait se confirmer en librairie. Car, au même titre que les autres prix littéraires, le Goncourt des lycéens accélère les ventes en librairies, 150 000 exemplaires en moyenne, d'après la Fnac.