Les bandes dessinées pourraient favoriser la compréhension de textes chez les jeunes garçons, généralement moins habiles en lecture que les jeunes filles, d'après un rapport publié mercredi par le Conseil canadien sur l'apprentissage (CCA).

Lire, c'est pour les filles, croient le quart des garçons de sept ans, révélait une étude menée récemment par deux chercheurs de l'Université de Winnipeg.

Et lire, pour de nombreux enseignants, c'est synonyme de roman, de livre de fiction ou de poésie et non pas de bande dessinée.

En considérant les bandes dessinées comme genre littéraire mineur et en garnissant les rayons des bibliothèques de bouquins prisés par les jeunes filles, les enseignants se privent d'un outil d'apprentissage précieux, peut-on comprendre en lisant l'étude du CCA.

Les bandes dessinées ont la faveur d'environ 75 pour cent des garçons, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En ayant accès à des bandes dessinées proposées par leurs enseignants, ils liraient davantage et développeraient leurs habiletés en compréhension de texte.

Dans les cours de littérature jeunesse qu'elle dispense à la faculté de l'éducation de l'Université de Sherbrooke, Hélène Guy a lancé «une offensive» pour que ses étudiants, futurs enseignants, lisent des bandes dessinées. «Et il y a une résistance extraordinaire, dit-elle. Les enseignants, qui sont surtout des femmes, lisent des romans qui traitent de sujets qui intéressent surtout des filles.»

Selon Mme Guy, «si l'enseignant connaît la bande dessinée, il pourra conseiller ses élèves». Autrement, «ça devient un problème de deux solitudes: des femmes qui lisent un type de livre et qui veulent faire lire ça aux enfants, et des enfants qui lisent autre chose et qui ne veulent pas lire ce que l'enseignant leur propose», explique-t-elle.

Les bandes dessinées favorisent le développement de compétences littéraires, et ce, au même titre que les romans, selon l'étude du CCA. Elles permettent notamment aux jeunes lecteurs d'apprivoiser le sens de la lecture en lisant les vignettes de gauche à droite et de haut en bas et de déduire ce qui se passe entre chaque vignette dans une histoire.

«Depuis trois ou quatre ans, les maisons d'édition font des bédés sans texte pour les plus jeunes. On peut leur demander de nous inventer une histoire à partir des images», explique Réjean St-Hilaire, spécialiste de la bande dessinée à la librairie Monet à Montréal.

«Cela demande aux jeunes un effort de lecture en plus de les valoriser», ajoute M. St-Hilaire.

Voilà qui pourrait contribuer à combler l'écart majeur qui existe depuis des décennies entre les résultats en lecture chez les filles et ceux des garçons. Selon une étude menée par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), les Canadiennes de 15 ans obtiennent 32 points de plus que les garçons en lecture.

Toutefois, même si la bande dessinée favorise effectivement l'apprentissage de la lecture, comme l'étude du CCA le stipule, et que le milieu scolaire y accorde une place plus importante, les progrès seront difficiles à quantifier.

«L'enseignement est dispensé en fonction des évaluations normatives en compréhension de lecture, ce qui est réducteur, car un texte littéraire va beaucoup plus loin», se désole Hélène Guy, selon qui les enseignants sont intéressés à travailler cet aspect.

 

«Les enseignants savent quoi faire. Il s'agit de leur demander comment ils souhaitent intégrer la bande dessinée à leur programme, et ils seront très heureux de trouver des moyens de le faire», souligne Mme Guy.

Les écoles, elles, se montrent de plus en plus intéressées par la bande dessinée, dont les styles ne cessent de se raffiner et de se spécialiser, dit Réjean St-Hilaire, selon qui le volume des ventes auprès des établissements scolaires a augmenté depuis janvier 2009.

«On n'est plus dans les »comics«, explique M. St-Hilaire. Le marché a évolué, il y a des bandes dessinées historiques, sociales et des adaptations de grands chefs-d'oeuvre de la littérature. Ce n'est pas que du loisir.»