En vrac, quelques productions récentes: sensuelle, plutôt bon enfant ou dans les secrets d'une cellule du FLQ.

Les clés de l'histoire

Pour en finir avec novembre - le titre est un clin d'oeil au Pour en finir avec octobre du felquiste Francis Simard - ne parle pas de la crise d'Octobre. Pas de la crise officielle, du moins. Le roman graphique de Sylvain Lemay (scénario) et André St-Georges (dessin) débute à l'automne 1970 en Outaouais où, dans le feu de l'action, des sympathisants du FLQ décident de former une cellule et de passer à l'action. Quels coups d'éclat feront-ils? Le récit nous l'apprendra peu à peu lorsque, plus de 25 ans après les faits, un maître-chanteur menace les deux survivants de la cellule d'éventer un secret qu'ils étaient parvenus à garder depuis ce fameux mois de novembre 1970. L'une des forces de l'oeuvre, c'est précisément ce scénario bien ficelé et le doigté avec lequel les auteurs dévoilent le mystère qui en est le moteur. Multipliant les sauts dans le temps, ils captivent le lecteur, qui ne se trouve au demeurant rien à reprocher au crayonné dépouillé, mais sûr et efficace, du dessinateur. L'anecdote camoufle ici un récit étonnamment subtil et même un brin subversif. Pour en finir avec novembre s'insinue en effet dans les marges de l'Histoire et propose à certains égards sa propre vision de la vraie crise d'Octobre. Et si, comme avec La constellation du lynx de Louis Hamelin, la fiction détenait les clés de l'Histoire?

Pour en finir avec novembre

Sylvain Lemay/André St-Georges

Mécanique générale, 165 pages

***1/2

Éducation érotique

Djinn, série sensuelle du scénariste Jean Dufaux et de la dessinatrice Ana Mirallès, amorce déjà son troisième cycle. Le pavillon des plaisirs se déroule en Inde, au lendemain de la Première Guerre mondiale, une époque où le désir d'autonomie face à l'Angleterre se faisait de plus en plus pressant. Ici, comme dans le cycle ottoman (tomes 1 à 5), le pouvoir politique sera vite mêlé et, ultimement, peut-être soumis à celui de la séduction. Jade reçoit ainsi la mission de faire l'éducation érotique de la promise du maharadjah d'Eschnapur, que sa mère trouve trop soumis au colonisateur britannique. Une fois dépositaire des secrets du plaisir, qu'elle apprendra bien sûr dans le pavillon du même nom, la nouvelle princesse aura les armes nécessaires pour ramener le souverain à la raison... Djinn, vu l'univers qu'il explore, s'appuie sur des stéréotypes et n'évite pas toujours la facilité. Dufaux, en fin équilibriste, parvient ici à trouver le juste dosage entre corps à corps et ballets diplomatiques. Mirallès, avec une sensibilité extraordinaire, crée une fois de plus un monde luxuriant où les corps ondulent dans des drapés élégants et des étoffes aux couleurs chaudes. Sensuel jusqu'au moindre trait, son dessin enveloppe le tout d'un érotisme léger qui, sans être vraiment pudique, demeure empreint de mystère.

Djinn T. 10 - Le pavillon des plaisirs

Dufaux/Mirallès

Dargaud, 56 pages



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Pochette de la BD Djinn, le pavillon des plaisirs.





Un 25e Yoko Tsuno

Le prolifique Roger Leloup a considérablement ralenti le rythme depuis le tournant des années 2000. D'un album par an durant ses grandes années, il est passé à des intervalles de deux, puis de cinq ans. La servante de Lucifer, 25e tome des aventures de Yoko Tsuno, évolue entre les deux univers que le bédéiste a exploités: les mystères terriens et le monde des Vinéens, ces extraterrestres réfugiés sous la terre. Lors d'un séjour en Écosse, où elle rend visite à Cécilia (personnage au coeur de La proie et l'ombre), Yoko se trouve devant un automate datant du XIIIe siècle enchaîné dans les ruines d'une abbaye appartenant à son amie. Elle tente d'en retracer les origines en faisant appel à son amie Khâny, qui l'entraîne dans les profondeurs de la terre où se trouvent toujours les vestiges d'une civilisation ancienne menée par «Lucifer». Leloup, aujourd'hui âgé de 77 ans, demeure fidèle à lui-même: fasciné par la technologie, le design (des voitures et des appareils volants) et tenté de mêler science, mythe et mysticisme. La palette de couleur privilégiée ici - des bleus mauve pâles et froids - est un choc pour l'oeil. Le plaisir de renouer avec Yoko Tsuno est toutefois amoindri par un scénario sans profondeur. La découverte faite dans les entrailles de la planète n'est ni expliquée ni exploitée. La servante de Lucifer constitue, au mieux, une mise en place pour une aventure prochaine.

Yoko Tsuno T. 25 - La servante de Lucifer

Roger Leloup

Dupuis, 47 pages

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Pochette de la BD Yoko Tsuno.