À quelques semaines du scrutin présidentiel aux États-Unis, en plein coeur d'une crise financière historique, l'arrivée du plus récent essai de Paul Krugman en librairie tombe à point nommé.

L'Amérique que nous voulons est non seulement un livre d'histoire économique celle des 100 dernières années aux États-Unis , c'est aussi un essai politique.

 

Un réquisitoire contre le Parti républicain tel qu'on le connaît aujourd'hui et un appel vigoureux à des réformes d'envergure en sol américain.

Mais parlons d'abord un peu de Krugman. Considéré comme l'un des plus brillants économistes de sa génération, il s'est transformé ces dernières années en un redoutable polémiste.

Embauché par le New York Times comme chroniqueur il y a huit ans, il est devenu l'un des plus féroces critiques de l'administration de George W. Bush.

Contrairement à la plupart de ses confrères journalistes, il n'a pas modéré ses ardeurs dans la foulée des attaques terroristes de septembre 2001 et de l'invasion irakienne. Ce qui était forcément gênant pour la direction du quotidien à l'époque confère aujourd'hui à ce franc-tireur une aura de respectabilité.

Krugman n'a jamais décoléré. Dans L'Amérique que nous voulons, il en rajoute. Il ne s'en prend pas uniquement à Bush, mais à l'ensemble des républicains.

Le parti d'Abraham Lincoln, explique-t-il, est dorénavant contrôlé par des idéologues. Il n'y a plus de place, en son sein, pour les politiciens modérés.

La prise de contrôle du parti par des «réactionnaires radicaux» s'est effectuée, selon Krugman, à partir des années 70. Leur but avoué: liquider les acquis du New Deal, politique mise de l'avant par le démocrate Franklin D. Roosevelt pour remettre le pays sur ses rails dans les années 30, après la grande dépression.

Une politique à l'époque jugée révolutionnaire, rappelle l'essayiste, puisqu'il s'agissait d'«imposer les riches, verser des pensions de retraite et des indemnités de chômage et renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs».

Le résultat a été spectaculaire. Les revenus ont été redistribués, la société américaine est devenue beaucoup plus égalitaire et une classe moyenne solide et prospère a fait son apparition.

Les politiques des républicains au cours des dernières décennies, au contraire, ont permis aux plus riches de s'enrichir. Les 10% des Américains les plus fortunés ont vu leurs revenus s'envoler. La croissance des revenus des autres a été inférieure à la moyenne.

Les États-Unis, on le sent depuis quelques années, sont à la croisée des chemins. Comme au début des années 30, estime Krugman. Il pense qu'il s'agit d'une occasion politique à saisir. «Aujourd'hui, nous sommes redevenus une nation écoeurée de l'action gouvernementale conservatrice», écrit l'économiste. Il est convaincu que «l'échec flagrant des politiques existantes» va pousser ses concitoyens à «soutenir des changements considérables».

Il exhorte donc le prochain président américain à parachever le New Deal et à faire la guerre aux inégalités et à l'insécurité économique. Une offensive dont la pièce maîtresse serait un système de santé universel.

Son essai, érudit, mais fort bien vulgarisé, se lit donc comme une feuille de route destinée à une éventuelle administration américaine menée par le démocrate Barack Obama. Et comme une mise en garde de ce qui attend les Américains s'ils se rangent cette année encore derrière le candidat républicain à la présidence.

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L'AMÉRIQUE QUE NOUS VOULONS

Paul Krugman, Flammarion, 32,95$