À la demande générale, le journaliste Nicolas Langelier publie aux 400 coups un recueil de ses meilleures chroniques des 10 000 choses qui sont vraies.

De manière un peu insidieuse et détournée, et de façon presque subliminale, les rubriques de Nicolas Langelier, un temps publiées dans les pages de votre journal et, d'abord, dans celles du périodique P45, tiennent de la psycho pop (pop comme l'entendrait Warhol, mettons) et du courrier du coeur. «Je crois que les lecteurs y cherchent des éléments de compréhension par rapport à leur propre vie, un regard différent», dit l'auteur de ces Dix mille choses qui sont vraies, amassées et numérotées dans la défunte rubrique éponyme: «C'est à ça que ça sert, l'art. Je n'ai pas de grandes prétentions, mais ma démarche est certainement plus artistique que journalistique.»

 

Sur ces hypothétiques Dix mille choses qui sont vraies (et la plupart du temps immédiatement vérifiables sans devoir recourir à l'encyclopédie), le journaliste indépendant Langelier en a retenu une centaine pour la publication de ce volume, premier d'une improbable série qui s'étirerait à l'infini. Ce nombre, 10 000, parfaitement aléatoire (ç'aurait pu être un milliard) et choisi un peu à la blague, lui autorise la fantaisie et lui permet librement de jongler avec l'intime et le banal, l'impression et le fait, l'objectif et le subjectif, le particulier et le général. «Je voulais faire quelque chose qui soit en dehors de l'actualité. Ce sont des sortes de bulles remplies d'un air différent. Ça me faisait du bien de les écrire pour un journal qui est tout tourné sur l'évènement, sur l'immédiat.»

Vérités objectives

Puisant à même son expérience personnelle, les fluctuations de son humeur, ses observations et ses réflexions, Nicolas Langelier rassemble dans ce très beau livre (comme ils font toujours aux 400 coups) des vérités sorties de nulle part et pourtant, quand on y réfléchit, tout à fait objectives, comme : [Plus on vieillit, plus le temps passe vite, Les jeunes sont beaux mais un peu nonos ou Une bonne partie du discours environnemental se résume essentiellement à demander aux gens de cesser d'agir comme de parfaits imbéciles.] Tel quel!

Le chroniqueur de l'inouï ordinaire explique: «Je voulais aborder un autre ton que celui de la critique ou du sérieux analytique, rester un peu en dehors du temps, créer un espace libre sans véritable fil conducteur. Je parle, en évitant le plus possible les références du moment, de choses intemporelles, qui ne seront donc pas datées, des choses qui appartiennent à mon environnement mental, au monde que je regarde et qui tendent vers l'universel. Par la bande, je parle de ma vie. Mais je ne voulais pas me mettre au premier plan et faire dans la chronique du Moi. J'ai d'ailleurs longtemps hésité à propos du pronom à utiliser: Dois-je y aller au je? Au nous? Au vous?» S'il y a du on dans ces textes, celui-là n'exclut certainement pas la personne qui parle...

L'ensemble de ces choses qui sont vraies constitue, à l'état brut, une espèce de matière première, une pâte que Langelier, sans faire dans la complexité formelle, toujours avec souci d'élégance et soin d'être facilement compris, tripote au gré de ses intuitions. «Il s'agissait de mettre de la viande sur une idée, de la modeler. Je n'ai rien bâclé. Il y a là-dedans un mélange du moi et du nous.»

On ne serait donc pas si loin du «courrier du genou». Mais Langelier n'a pas du tout l'ambition de devenir le prochain chroniqueur de «la vie mon vieux» et considère ce bouquin comme un exercice et comme un cadeau, aux lecteurs habitués à cette mystérieuse rubrique à brac: «Je n'avais pas une envie particulière de faire un livre avec tout cela. Il n'y a pas vraiment d'argent à gagner. Le projet vient d'une demande des lecteurs, le concept a attiré des gens, et d'une proposition des 400 coups.»

Journaliste à la solde de personne, «collaborateur spécial» et même président de l'AJIQ (Association des journalistes indépendants du Québec), Nicolas Langelier ne sait pas trop si ce premier recueil donnera suite à une rangée complète, laquelle remplirait très agréablement une bibliothèque.

«J'ai une longue liste de choses qui sont vraies en réserve. J'aimerais trouver à cette rubrique une autre maison, un jour. C'est quelque chose que j'aime faire et qui me manque. J'accumule des notes. C'est devenu imprégné dans mes neurones, comme une sorte de déformation. Quoi que je fasse, je garde cette conscience-là, ce regard-là sur les choses. Même quand il n'arrive rien, il arrive quelque chose.» Encore une vérité vraie.

Dix mille choses qui sont vraies

Nicolas Langelier

Les 400 coups, 222 pages, 19,95$