Lors de la parution initiale en 2005 de Keynes et ses combats, son auteur Gilles Dostaler arguait qu'il fallait rendre justice à cet intellectuel sophistiqué, pourtant voué aux gémonies par le néo-libéralisme alors triomphant et arrogant. «À la faveur de cette crise, écrit-il dans la préface à cette nouvelle édition augmentée, Keynes fait son retour sur le devant de la scène.»

En fait, tous les gouvernements sont redevenus keynésiens afin de relancer l'économie et contrer ce que Keynes avait identifié à juste titre comme le paradoxe de l'épargne. L'économie classique enseigne qu'elle est le moteur de l'investissement et de la croissance. Keynes soutient plutôt que c'est la consommation qui assure la croissance. En conséquence, plus on épargne, moins on consomme et moins croît la production et plus augmente le chômage. D'où son parti pris pour le crédit qui stimule la consommation.

Ce débat était fondamental au coeur de la Grande Dépression des années 30 alors que la pauvreté se propageait. Privilégier l'épargne dans un tel contexte équivalait à aggraver la crise. Keynes proposera plutôt d'ouvrir les vannes, d'utiliser les pouvoirs d'emprunt de l'État pour relancer la consommation et la production. Il sera aussi favorable à des impôts progressifs puisque, selon son schéma, plus un individu gagne, moins grande sera la proportion de son revenu dédiée à la consommation.

Dostaler ne s'intéresse pas qu'à l'économiste aux intuitions formidables, mais aussi à l'homme d'action, féru d'arts et de lettres, grand ami de Virginia Wolf. Le portrait achevé de John Maynard et de son oeuvre est si convaincant que même les Britanniques ont jugé à propos de publier le texte chez eux

 

Keynes et ses combats

Gilles Dostaler

Albin Michel, 628 pages. 29,95$

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