Les éditions parisiennes José Corti publient deux inédits surprenants de l'écrivain français Julien Gracq, son journal du 10 mai au 2 juin 1940 quand il est lieutenant d'infanterie et une fiction tirée de ces événements, réunis en un seul volume sous le titre Manuscrits de guerre.

Ces inédits, deux petits cahiers d'écolier, l'un rouge, l'autre vert, qui se trouvaient dans les manuscrits légués par l'écrivain à la Bibliothèque nationale de France, «constituent une surprise et une découverte», relève dans l'avant-propos Bernhild Boie, exécutrice testamentaire de l'auteur d'Un balcon en forêt ou du Rivage des Syrtes.

«Découverte d'un jeune officier en révolte sur le champ de bataille (...). Découverte d'un écrivain biographe et de deux écrits en prise directe sur l'expérience, l'un et l'autre contraires à l'esthétique de Julien Gracq, et devenus pourtant source vive de son oeuvre», poursuit-elle.

«À quatre heures moins le quart le matin: je m'éveille dans ma chambre à carreaux rouges. Quel bruit! La DCA tire vraiment beaucoup plus fort que d'habitude, n'arrête pas». C'est ainsi que commence le cahier rouge. Sur la couverture, une petite inscription L. Poirier/Souvenirs de guerre.

Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, décrit au présent sur 77 pages, au jour le jour et à la première personne, trois semaines de sa campagne entre la fin de la Drôle de guerre (10 mai 1940) et la capitulation française (armistice franco-allemand signé le 22 juin 1940).

Soumise à des ordres fantaisistes, des allers-retours incohérents et l'incompétence du commandement, sa section n'aura jamais à livrer bataille, même si elle se retrouve parfois sous des tirs d'avions ou les obus. Mais le choc de la guerre, de la violence, est bel et bien là. Et marquera l'écrivain.

«Sa» guerre commence le 10 mai 1940 à Winnezeele, petite localité de Flandre, et se termine le 2 juin à Zyckelin, près de Dunkerque, le jour où le jeune lieutenant Poirier est fait prisonnier.

Dans le cahier vert, Julien Gracq, professeur d'histoire-géographie et écrivain en herbe dans le civil, rédige un court récit, sans titre, qui transforme en fiction l'expérience de la guerre et les tensions qui l'habitent.

L'écrivain passe du «je» au «il», crée le personnage du lieutenant G. et condense sur deux jours l'intrigue qui se termine dramatiquement.

Et le cours du récit réaliste est sans cesse traversé par des digressions sur le passé ou les dérives de l'esprit du lieutenant vers le rêve et l'imaginaire.

Julien Gracq est mort en 2007 à l'âge de 97 ans, laissant une oeuvre nourrie de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme.

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Manuscrits de guerre - Julien Gracq - Éditions José Corti - 256 pages.