C'était la dernière question de mon entrevue avec Julie Couillard: une question en apparence frivole, mais aussi chargée symboliquement que la robe que portait Julie à la prestation de serment de Maxime Bernier et qui l'a propulsée dans l'oeil du cyclone.

Toute la gent masculine ce jour-là a été littéralement tétanisée par cette robe vavavoum avec vue imprenable sur sa généreuse poitrine. La gent féminine, elle, a immédiatement visé le sac Louis Vuitton que Julie portait à la main. Était-ce un vrai ou un faux? C'est la dernière question que j'ai posée à Julie Couillard lors de notre rencontre cette semaine. Elle m'a regardée dans le blanc des yeux, un regard âpre, m'accusant silencieusement de mettre en doute non pas l'étiquette d'un simple accessoire, mais rien de moins que son honnêteté personnelle. «C'était un vrai. Moi, les fake, j'aime pas ça. Si je ne suis pas capable de me payer un vrai, je préfère m'en passer», m'a-t-elle lancé sur un ton cinglant et avec l'air outré d'une femme qui a un orgueil plus bétonné qu'un bunker de Hells Angels.

 

Ce petit incident en dit long sur la personnalité de cette femme pourvue d'une grande force de caractère, mais qui n'a jamais vraiment pu s'épanouir à son plein potentiel en raison du monde dont elle est issue. Pas le monde douillet, branché et petit-bourgeois de la classe médiatique. Pas même le monde friqué, puissant et privilégié de Maxime Bernier. Non, un monde dur et sans pitié où en plus d'être matérielle, la pauvreté est intellectuelle et culturelle, où la qualité de la langue que l'on parle est sans importance, où l'éducation n'aura jamais autant de valeur qu'une grosse liasse de billets bruns, où les pères sont absents, frimeurs et alcoolos et où leurs filles cherchent la sécurité et la protection dont elles ont été privées dans les bras des caïds et des criminels.

Sachant que Julie Couillard vient de ce monde-là et qu'elle a manqué des outils précieux que sont l'éducation et l'encouragement de parents soucieux de son avenir, comment lui reprocher d'avoir eu de la difficulté à s'en sortir et d'être devenue celle qu'elle est aujourd'hui?

C'est facile de juger Julie Couillard. Elle est le bouc émissaire idéal. Elle massacre son français. Elle a un look de danseuse qui essaie de se faire passer pour la fille de haute qu'elle n'est pas. Elle n'est peut-être pas une imbécile, mais ses capacités intellectuelles, comme sa culture, sont limitées. Quant à ses amours, c'est une suite de catastrophes dont elle a souvent été l'architecte.

C'est facile de juger Julie Couillard. Facile d'affirmer qu'elle n'a pas une once de crédibilité. Les preuves ne sont-elles pas toutes là? Ses mauvaises fréquentations, sa vie professionnelle boiteuse et désordonnée, son histoire d'amour à l'eau de rose avec un proche des Hells mort assassiné, son mariage à un autre Hells en pleine guerre des motards. Le monde de Julie Couillard n'est pas très joli. C'est un monde violent, sordide et pathétique. Mais il existe. C'est important de le rappeler.

En principe, ce monde-là n'aurait jamais dû entrer en collision avec le monde de Maxime Bernier. Mais si c'est arrivé, ce n'est pas Julie Couillard qu'il faut blâmer. Elle a peut-être manqué de jugement, mais jamais autant que Maxime Bernier.

J'ignore si on peut croire tout ce qu'elle avance au sujet de l'ex-ministre des Affaires étrangères dans son livre. Chose certaine, il se dégage de son récit une constante qui ne ment pas. Toute sa vie, Julie Couillard a été attirée par des hommes à l'image de son père: des frondeurs et des beaux parleurs jouant de leur argent, de leurs muscles, de leur mitraillette ou de leur pouvoir pour masquer la profondeur de leurs failles et leur manque criant d'envergure. Maxime Bernier n'est pas l'exception qui confirme la règle. Seulement le dernier nom sur la liste de ses anciens prétendants.