Plus on avance dans Quai 31 de Marisol Drouin, plus on entre dans un univers qui n'existe pas, mais dont on sait qu'il n'est pas très loin.

Dans ce roman d'anticipation qui n'en a pas l'air, on suit les traces d'Échine, jeune réfugié qui a quitté son pays inondé avec sa mère, «mère-rocher», «mère-émotion».

Quai 31, c'est l'histoire d'un réfugié qui tente de survivre dans sa nouvelle vie, mais c'est aussi celle d'une société déshumanisée où les vieux sont mis en adoption, où presque tous les humains ont des organes artificiels, où l'on chasse les chats qui sont devenus les ennemis des poules domestiques, et où non seulement l'écriture manuelle n'existe plus, mais où les ordinateurs viennent avec des «préphrases» et des claviers iconiques.

Dans ce monde sans repères, une étrange maladie, le tordu, s'attaque aux colonnes vertébrales, et les «sans-terre» - dont fait partie Échine - deviennent les coupables tout désignés de cette épidémie.

Le décor de fin du monde de cette ville inquiétante coupée en deux permet à Marisol Drouin de dresser un portrait qui donne froid dans le dos.

«Je lui ai dit qu'elle était ma soeur dans l'orphelinat du monde», raconte Échine en parlant de celle dont il est amoureux. Il y a des moments de tendresse comme celui-là, ou entre Échine et sa mère, qui réussissent à émerger de cette description souvent froide.

Mais si des phrases au détour font voir l'humanité des personnages, on ressort de ce livre ébranlé devant une projection aussi sombre.

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* * * 1/2

Quai 31. Marisol Drouin. La Peuplade. 120 pages.