Dans un Kaboul chaotique, l'odeur du haschisch et le tiraillement de la faim planent sur le plus récent livre d'Atiq Rahimi.

Alors que Syngué sabour. Pierre de patience (prix Goncourt en 2008) était un huis clos étouffant, Maudit soit Dostoïevski est un parcours halluciné dans la capitale afghane, sur les traces de Rassoul, qui vient d'assassiner une vieille maquerelle. Mais l'a-t-il vraiment tuée? Lui-même en doute - pas de trace de cadavre, l'argent a disparu. Devenu aphone après l'événement, Rassoul est hanté par Crimes et châtiments, portant comme Raskolnikov le poids de son geste, cherchant la punition pour enfin trouver le salut. On entend constamment l'écho du roman de Dostoïevski dans ce tour de force littéraire, de la trame aux prénoms, jusqu'aux questions métaphysiques - la longue scène avec le greffier du tribunal, auquel Rassoul veut se livrer, est stupéfiante.

Mais Maudit soit Dostoïveski est aussi le portrait implacable d'une société sans repère - il n'y a même plus de code pénal- et à la croisée des chemins, l'envahisseur russe a quitté le pays, les talibans s'installent. «Tu sais, les communistes se sont acharnés pendant dix ans à détourner ce peuple d'Allah; ils n'ont pas réussi. Par contre, les musulmans, en un an, l'ont fait», dira un vieil homme à Rassoul.

À coup de paraboles, en suivant les méandres brumeux de la pensée de Rassoul/Raskolnikov, c'est toute la complexité et la fatalité d'un monde que nous donne à voir Atiq Rahimi.

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Maudit soit Dostoïevski

Atiq Rahimi

P.O.L., 313 pages

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