L'amour au cinéma, d'Eveline Mailhot, et En région arctique et ailleurs, de Laurence Gough: ces deux premiers livres parus au cours de l'automne nous ont fait découvrir des voix de jeunes femmes particulières, qui parlent d'amour, d'intimité et de solitude, et dont on a hâte de lire les prochaines oeuvres.

Paru aux Allusifs, L'amour au cinéma est un recueil d'histoires où les êtres se frôlent, se touchent parfois, mais où le non-dit, les sentiments refoulés et les fantasmes sont autant de freins à une véritable rencontre avec l'autre. Chaque nouvelle est découpée comme un scénario de film, des intertitres annonçant une scène ou un personnage, et permettant ainsi ellipses et aller-retour dans le temps.

L'auteure s'intéresse autant aux deux copains quinquagénaires en vacances dans le Sud qu'au mystère d'Agnès, presque trentenaire et toujours célibataire. Elle alterne constamment les points de vue, si bien que chaque nouvelle n'est jamais une seule histoire, mais plusieurs qui s'entrechoquent et se croisent: dans Après la course, par exemple, on en apprend autant sur Florent, hospitalisé après un accident, que sur les jeunes femmes - son amoureuse et la soeur de celle-ci - qui viennent le visiter à l'hôpital. Eveline Mailhot réussit le tour de force d'être à la fois aérienne et précise, toujours à l'affût du détail qui dit tout, et livre avec finesse et doigté 140 pages d'espoirs déçus, d'amours naissantes et de désirs insatisfaits.

Amour fou

Laurence Gough s'intéresse aussi à l'amour et au désir, mais ses personnages, loin de fuir l'intimité, y plongent. La notion d'âme soeur est au coeur de ce court roman traversé par une écriture poétique et métaphorique qui peut agacer parfois, mais dont la sincérité est authentique. Dans En région arctique et ailleurs, Noémie et Simon sont liés par un rêve commun, mais aussi par quelqu'un: Thomas, l'amoureux de Noémie et cousin de Simon. Même si elle est écrite dans le ciel, leur rencontre ne se fera pas sans heurts.

Un voyage dans la Baie-des-Chaleurs qui vire en expédition polaire, des souvenirs d'enfance troublants, un désir à fleur de peau, la passion et la folie qui se côtoient: les thèmes qui rappellent parfois Anne Hébert sont graves et profonds, mais ne sont pas traités de manière dramatique. Il se dégage ainsi de ce premier roman une naïveté, une ferveur aussi, qui donne envie de croire à l'amour fou, ne serait-ce qu'un instant.

L'amour au cinéma, Eveline Mailhot. Les Allusifs, 142 pages

*** 1/2

En région arctique et ailleurs, Laurence Gough. Marchand de feuilles, 168 pages

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