2008 aura été une année politique, marquée par des élections au Canada, aux États-Unis et, enfin, au Québec. Et la politique, qui à forte dose est souvent synonyme d'ennui chez les simples mortels, est une nourriture céleste pour un caricaturiste comme Serge Chapleau... même si, parfois, certains politiciens sont mystérieusement épargnés.

Qu'en est-il de cette nouvelle cuvée rassemblant ses meilleurs dessins de l'année qui s'achève sur des élections d'une platitude presque extraordinaire : «Je pense que, pour un caricaturiste, il n'y a pas d'année plate, ça n'existe pas», dit Serge, ajoutant que son travail consiste aussi à souligner, à gros traits, l'ennui politique. Ainsi montré et, par la bande, dénoncé, cet ennui se transforme en divertissement.

Évoquant la platitude, Chapleau rappelle, lui-même étonné, que son recueil ne contient aucune image de Jean Charest. «Aucune ! Et ce n'était pas voulu ! On a fait le tri dans les dessins, ce n'était pas réfléchi! J'ai même pensé, par après, ajouter un sticker sur la couverture du livre : «Ceci ne contient aucun Charest ». Je crois que ça prouve un point très clair : Charest a disparu pendant un an ! Il restait caché dans son bureau ! Et c'est probablement pour ça qu'il est si populaire!»

Chapleau trouve à rire de tout, du beau comme du laid, du fascinant comme du rien : «Obama ? Il a des grandes oreilles et un gros sourire. Un caricaturiste en le voyant se frotte les mains en se disant «All right ! Un nouveau personnage!» Même s'il est bon, même s'il est smatte, ça n'empêche absolument pas d'en faire des caricatures. On va lui trouver ses petits travers!»

Cet humour est une sorte de don qui le tient jeune, même s'il est parfaitement conscient qu'il n'a plus 20 ans. «Je me rends compte en vieillissant que tous les clichés sur l'âge sont vrais. Mais le plaisir de la création, ça ne brûle jamais. Ceux qui le perdent, c'est parce qu'ils deviennent plates, justement. On oublie parfois, on a des doutes, des problèmes, etc. Mais l'homme est bandé jusqu'à sa mort » explique l'as des caricaturistes lequel, visiblement, trouve encore beaucoup de plaisir à saisir sa plume pour nous changer les idées. Et il n'a pas perdu la main non plus, même s'il souffre de ce qu'il est convenu d'appeler «la tendinite de la souris», à savoir des douleurs liées au travail manuel après ces heures passées à jouer du crayon ou, soyons modernes, à tripoter ce fameux objet informatique, la souris, qui permet de glisser du dessin avec plus d'aisance.

Chapleau techno

Tous les lecteurs de La Presse et tous les fans de l'émission Et Dieu créa... Laflaque savent pertinemment que Chapleau s'est laissé prendre aux charmes des nouvelles technologies. «Je préfère le dessin, c'est sûr, dit-il. Les gens s'imaginent que le travail est plus facile depuis qu'on utilise des ordinateurs. Comme si c'était une tricherie. C'est un outil qui permet de faire de la correction. Mais il m'arrive de passer plus de temps sur un photomontage que sur un dessin. Ça amène d'autres possibilités, d'autres idées. C'est palpitant ! C'est le fun à faire!»

Les nouveaux moyens de graphismes ne sont donc pas pour lui l'équivalent d'une paire de béquilles : «Je vais dire un mot prétentieux, mais l'essentiel c'est le talent. Il n'y a pas de programme sur les ordinateurs pour trouver une bonne joke. » Bonnes plaisanteries dont Serge a le secret, mais qui lui valent, d'autant plus depuis qu'il reçoit des courriels, des messages franchement haineux, qu'il prend avec humour et philosophie : «On m'a traité de chien fini, de lèche-cul, de vendu à Power Corporation, etc. Tant mieux ! Mais un caricaturiste ne peut pas être haineux. C'est une sorte d'éternel optimiste. Il faut qu'il voie de la vie partout, et des possibilités de changement. Je ne pense pas que les caricaturistes et les humoristes ont tant de pouvoir que ça. Une sorte d'influence, peut-être. On souligne à gros traits ce que les gens ont déjà vu, ce que les gens savent déjà.»

Et c'est en cela que Serge est et sera toujours caricaturalement vôtre...

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L'année Chapleau 2008 de Serge Chapleau, aux éditions du Boréal, 118 pages, 19,95 $

Serge Chapleau sera au Salon  du livre demain et dimanche de 13 h 30 à 15 h.