Lire Jean Désy a quelque chose d'apaisant. Mais c'est à la fois exigeant, car il nous pousse à mettre du sens dans nos vies. Yves Laroche, professeur au cégep de Sainte-Foy qui signe la préface de son nouveau livre, une anthologie intitulée Vivre ne suffit pas, le présente comme un humaniste. Ce n'est pas exagéré.

En entrevue au Café Krieghoff, à Québec, son lieu de rencontres préféré entre ses expéditions dans le Grand Nord et les escapades dans sa cabane au fond des bois, Jean Désy parle d'abondance. De l'art comme de la science. Il est médecin, mais un médecin qui se situe «dans une certaine marginalité», admet-il. Titulaire d'un doctorat en littérature et d'une maîtrise en philosophie, il place l'amour au sommet de toutes les valeurs. Mais c'est dans «l'irrationnel d'un texte» qu'il le trouve. Par exemple, chez le courageux docteur Rieux dans La peste d'Albert Camus, roman qu'il qualifie de chef-d'oeuvre.

«Moi, ma vocation, c'est plus d'être un enseignant qu'un soignant, dit-il. J'aime les étudiants.» À l'Université Laval, il donne un cours de littérature offert en option par la faculté de médecine. C'est ce qui l'a amené à l'écriture. Pour «enseigner mieux». Faire comprendre entre autres «l'éminent danger qu'il y a à tout savoir sur le mode rationnel».

Dans son livre, qui est construit à partir de réflexions, de nouvelles, de poèmes cueillis dans six de ses ouvrages, auxquels s'ajoute, sous forme d'abécédaire, un inédit, Jean Désy écrit: «Ce sont souvent les soignants qui m'ont donné le plus de problèmes, plus que les malades eux-mêmes.» Il s'avoue davantage heureux à pratiquer dans le Nord, auprès des Innus, des Cris ou des Inuits, plutôt qu'en ville.

Là-bas, il accompagne les infirmières cliniciennes, dont il loue la compétence et l'efficacité. Les jeunes médecins ne devraient pas, à son avis, être incités à faire leur travail.

La nature et les mots

Jean Désy s'applique à «mettre des gants blancs», mais ses textes n'en sont pas moins critiques. Ce passage notamment: «Ô patient! Si souvent mal aimé, sinon laissé dans le pire: l'indifférence. Patient: une carte, un numéro, un agent de change, une banque, un ticket gagnant.» Le fric! «Intolérable», dit-il, soulignant qu'en littérature, en poésie, ce n'est évidemment pas ce qui domine. L'art aide à comprendre le monde et, par conséquent, à nous rendre plus sensibles, selon lui, à la misère humaine, «mille fois pire que la misère physique».

Établir des ponts entre la science médicale (indispensable au combat contre le cancer du côlon ou l'infarctus) et la littérature, voilà ce vers quoi tend Jean Désy. «Il faut un équilibre.» Peut-être des drames pourraient-ils alors être évités. Les textes abordent la question du suicide. En entrevue, nous nous arrêtons à cette histoire d'horreur qui met en cause le cardiologue Guy Turcotte. «Soigner n'est pas une activité facile», note Jean Désy. D'où l'importance pour les élèves de clarifier les raisons qui les attirent vers la profession.

Pour sa part, il a cru «avoir commis une grave erreur de parcours» le jour où il a plongé dans la pratique, il y a de ça 25 ans. Ce sont les mots qui lui ont permis de continuer. Les mots et la nature qu'il avait appris à aimer chez les scouts. Et aussi parce que le géographe de la nordicité, Louis-Edmond Hamelin, petit-cousin de sa mère, a bien voulu être son mentor. Toujours prêt au départ, Jean Désy aime écrire lorsqu'il est en mouvement. C'est sa façon d'être un bon médecin.

Vivre ne suffit pas

Jean Désy

Éditions XYZ, 144 pages