Le titre de la série : La sélection. Destinée aux jeunes adultes. Quatre tomes, bientôt un cinquième et dernier. On y découvre une société du futur régie par des castes où America, une Cinq (caste des artistes), amoureuse d'Aspen (un Six, un serf), est choisie pour participer à la Sélection. Comprendre qu'elle est l'une des 35 jeunes filles sélectionnées pour vivre un temps au palais et essayer de séduire le prince Maxon.

S'il y a du Cendrillon dans la série, il y en a aussi dans la carrière de Kiera Cass : en 2009, elle était l'auteure d'un roman autoédité, The Siren (dont une nouvelle version sera publiée au début de l'année prochaine), et aujourd'hui, à 34 ans, elle a vendu quelque 6 millions d'exemplaires de sa saga romantico-dystopique.

Mais, comme tout conte de fées qui se respecte, l'aventure a commencé par un drame. À la clé, la romancière n'y a pas trouvé le prince charmant - c'était déjà fait -, mais y a découvert une passion. Celle de l'écriture. Rencontre avec l'auteure qui, après le Brésil, les Philippines et l'Allemagne, est de passage à Montréal pour le Salon du livre.

Les jeunes filles connaissent vos romans. Mais qui êtes-vous, Kiera Cass ?

J'ai grandi en Caroline-du-Sud, à Myrtle Beach - qui est un piège à touristes [rires] - et j'ai étudié en histoire à l'Université de Radford... où j'ai rencontré Callaway Cass, qui est devenu mon mari et le père de nos deux enfants, qui ont 6 ans et trois ans et demi. Nous vivons à Christianburg.

Et comment en êtes-vous venue à l'écriture ?

Mon mari se trouvait sur le campus de Virginia Tech au moment de la fusillade, en 2007 [il y a eu 32 morts et 17 blessés]. J'ai eu peur de le perdre. Notre groupe religieux [son mari et elle sont des Followers of Christ] se trouvait aussi sur le campus. Des gens que je connaissais sont morts. Je l'ai très, très mal pris. Ç'a été une année très difficile. Et un jour, alors que j'avais l'impression de me noyer, j'ai eu cette inspiration qui m'a sauvée : donner mes problèmes à un personnage et voir ce qu'il en ferait. C'est ainsi que j'ai écrit The Siren.

Que vous avez autoédité...

Oui. Parce qu'aucun agent n'en voulait. J'ai reçu 83 lettres de refus. Mais je savais que je voulais continuer à écrire. Je me suis donc mise à La sélection... pour lequel j'ai reçu 14 lettres de refus avant que deux agents - deux, yeah ! - se montrent intéressés.

Votre série a été décrite comme Cendrillon qui rencontre The Bachelor. J'ajouterais Hunger Games - pour le processus d'élimination, la téléréalité et les castes qui rappellent les Districts - et même une version très, très, très soft de 50 Shades of Grey...

[Rires] Ah, celle-là, c'est la première fois que je l'entends !

... puisque les jeunes filles ne peuvent rien refuser au prince - lequel, toutefois, n'a pas de trop grandes... exigences à leur égard. Mais quelles sont vos réelles inspirations ?

Cendrillon en est une : elle veut aller au bal et ce n'est pas pour rencontrer le prince, mais pour se faire belle et aller danser. Est-elle vraiment heureuse d'avoir ainsi attiré l'attention du prince ? L'autre inspiration est Le livre d'Esther, dans la Bible. On y raconte que le roi, après avoir été offensé par la reine, décide d'organiser un concours de beauté pour la remplacer. Esther est l'une des centaines de jeunes filles choisies. Mais est-il possible qu'avant d'être ainsi amenée au palais, elle ait été amoureuse d'un voisin ? Bref, obtiennent-elles toutes les deux ce - et celui - qu'elles désirent vraiment ?

Les trois premiers tomes se concentrent sur America. Les deux derniers, sur sa fille, Eadlyn - qui, à son tour, doit choisir un prince. Était-il très différent d'écrire une « sélection » au masculin ?

Avant de commencer à écrire, je suis allée sur des sites de rencontres et j'ai été frappée par la réponse des hommes et des femmes à la question : « Quelle est votre plus grande peur avant un rendez-vous ? » Pour les hommes, c'était de voir arriver une femme laide et obèse. Pour les femmes, de tomber sur un homme violent et d'être violées.

Ça m'a fait réfléchir. Maxon, au cours de la Sélection, n'a jamais craint d'être attaqué. Manipulé, oui, mais il se sentait toujours physiquement en contrôle. Je ne suis pas allée dans le trop sombre avec Eadlyn, mais les enjeux sont différents. De toute manière, une femme de pouvoir est toujours perçue d'une manière différente qu'un homme de pouvoir.

Vous avez d'ailleurs déjà dit : « Il est vraiment ridicule que pour qu'une femme soit considérée comme forte, elle doive prendre toutes les caractéristiques d'un homme. »

Et je suis entièrement d'accord avec moi-même ! [Rires] Récemment, d'ailleurs, une lectrice m'a écrit pour me dire qu'elle venait de lire Divergent et que les filles y sont fortes parce qu'elles savent se battre ou manier des armes. À ses yeux, mes héroïnes, comme celles des autres séries, sont des filles qui se tiennent debout pour leurs convictions, mais les miennes, elles, trouvent leur force dans les mots. Elle m'a dit : « Je ne peux probablement pas être une Tris, mais je peux être une America. » Ça m'a plu. Je pense qu'on tend à dévaluer les valeurs féminines alors que ce sont - aussi - des atouts. Mes livres sont considérés comme des dystopies et, en librairie, se retrouvent aux côtés de Hunger Games. J'étais inquiète qu'America ne fasse pas le poids face à une Katniss. Mes lectrices m'ont rassurée.

_____________________________________

La sélection et ses suites (L'élite, L'élue et L'héritière) sont parus aux éditions Robert Laffont.

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS ROBERT LAFFONT

L’héritière, quatrième tome de la série La sélection