Artiste queer de Toronto, Catherine Hernandez a frappé dans le mille avec son tout premier roman, Scarborough. Ce récit choral sur un quartier multiculturel et défavorisé s'avère un concentré de résilience et de solidarité.

Scarborough a déjà été une banlieue aisée de Toronto. Aujourd'hui, les difficultés connues par ce quartier est de la Ville Reine peuvent se comparer à ce qu'on a déjà vu dans certains secteurs démunis de Montréal. 

Mais au-delà des réalités crues et des préjugés tenaces, de la pauvreté et du manque de ressources, c'est un milieu de vie chaleureux grâce à la présence de femmes et d'enfants, surtout, qui se battent et résistent.

« En raison de problématiques de race et de classe sociale, Scarborough demeure un endroit aux logements abordables pour bien des gens. C'est un quartier multiculturel qui a mauvaise réputation, mais en fait, c'est un quartier formidable. J'y vis depuis l'âge de 10 ans. »

- Catherine Hernandez

Le récit de l'autrice tourne autour d'une intervenante d'un centre d'alphabétisation, Madame Hina, qui prend soin d'enfants de communautés culturelles diverses et de milieux défavorisés, des jeunes qui ont soif : d'action, de céréales, d'amour, de stimulations intellectuelles, etc.

« Je voulais adopter le point de vue des enfants parce qu'ils savent dès l'âge de 2 ans ce dont ils ont besoin pour survivre, en qui ils peuvent avoir confiance ou non, par exemple. Ça me facilitait les choses aussi de regarder le monde du point de vue d'un enfant. Les enfants sont sincères. S'ils sont témoins de quelque chose, ils considèrent que c'est la vérité. »

Scarborough est un livre émouvant, bien construit et traduit (Christophe Bernard). C'est un récit immersif écrit au « je » qui nous place dans la tête et le coeur des habitants du quartier. Il s'agit également d'une histoire universelle d'autonomisation (empowerment). 

« Il y a un Scarborough à l'intérieur de chacun de nous, dit la romancière. Ça dépasse Toronto et ce quartier. Le succès du livre m'a montré que ce qui s'y passe se déroule ailleurs au Canada et dans le monde. »

ENTREVUES

Dans la vraie vie, Catherine Hernandez a toujours su qu'elle voulait écrire. Cette jeune maman a commencé Scarborough à un moment où elle tenait une garderie familiale. Le roman se base sur ses observations, mais aussi des dizaines d'entrevues réalisées avec des résidants du quartier.

« Les histoires venaient à moi. Je n'avais pas à les inventer, j'étais bombardée de magnifiques histoires de résilience. Je me devais de les raconter. Scarborough est une chanson d'amour à l'intention des habitants du quartier. »

Directrice artistique d'une compagnie de théâtre à Toronto, elle considère qu'elle passe 40 % de son temps à écrire dorénavant. Son prochain roman en sera un d'anticipation et portera sur des membres des communautés racisées et LGBTQ qui prennent les armes contre des suprémacistes blancs. 

« C'est aussi un sujet social qui, je crois, demande une certaine audace. Mais ce n'est pas vraiment de l'anticipation. Ce que j'y décris a déjà eu lieu en partie. C'est ce qui est effrayant. J'ai aussi fait plein d'entrevues pour ce livre. »

TRAVAIL SOCIAL

Mis à part les enfants qui sont au centre du roman, le personnage de Mme Hina permet à l'écrivaine de « commenter » les réalités les plus dures de la vie à Scarborough.

« Les travailleurs sociaux sont formidables. Ils connaissent très bien la réalité d'un quartier, au contraire des fonctionnaires déconnectés qui gèrent les programmes sociaux. Ceux-ci n'ont aucune idée des problèmes émotifs qui affectent le travail des intervenants sur le terrain. »

Son expérience théâtrale l'a aussi énormément aidée à écrire les dialogues du roman, « car [elle sait] que plusieurs auteurs disent avoir de la difficulté à écrire des répliques d'enfants. » « Je n'ai pas eu ce problème, heureusement, souligne-t-elle. il faut savoir écouter. » 

D'ici la publication du prochain livre, Scarborough deviendra un téléfilm qui devrait être diffusé à l'automne. Catherine Hernandez a écrit le scénario, et Rich Williamson en assure la réalisation. 

« Ce sera une docufiction, indique l'autrice. J'ai tenu à écrire le scénario parce que je connais Scarborough, je sais comment les gens parlent et bougent. Un quartier possède son propre son, son propre rythme. »

Scarborough

Catherine Hernandez

Traduit par Christophe Bernard

XYZ

299 pages