Réjouissante nouvelle voix que celle de Dominique Fortier. Avec son premier roman Du bon usage des étoiles, cette traductrice nous fait monter à bord du Terror et de l'Erebus, deux navires dirigés par l'explorateur britannique Sir John Franklin partis en mai 1845 à la découverte du mythique passage du Nord-Ouest.

L'histoire nous aura appris que cette ambitieuse aventure dans l'immensité de l'Arctique s'est soldée par un cuisant échec. Mais qu'importe, on se régale de la version de cette expédition relatée à travers le journal de bord de Francis Crozier, un jeune explorateur amoureux de Sophia, la nièce de Franklin, dont la sensibilité tranche avec la vision de Franklin, habité d'un immense orgueil à l'idée d'écrire son nom dans les livres d'histoire. Dans ce roman bien documenté, mais clairement à classer au rayon de la fiction, l'auteure nous livre avec talent et un plaisir évident de belles pages sur la navigation, l'isolement, la mélancolie, les découvertes scientifiques et la vie mondaine de l'époque, incarnée par le personnage de lady Jane, la femme de Franklin. Agrémenté de quelques illustrations et d'une mise en page soignée dont les éditions Alto ont le secret, ce faux récit de voyage d'une vraie expédition captive et répond parfaitement à ce qu'on peut espérer d'un roman : se faire raconter une bonne histoire. Tout simplement.La maison des temps rompus

Retour sur la terre ferme avec La maison des temps rompus où, sur un coup de tête, une femme achète une maison parfaite. Tranquille, au bord de la mer, le lieu rêvé. Tant rêvé en fait qu'on se demande si cette «maison des temps rompus» existe vraiment. Aucun chemin ne s'y rend, elle semble construite dans un univers parallèle. Voilà l'amorce poétique de ce roman de Pascale Quiviger, lauréate du prix du Gouverneur général pour Le Cercle parfait en 2004.

Après la présentation de cette maison forte en symbole, l'auteure nous transporte dans cinq «cahiers» qui relatent l'histoire de Lucie et de Claire, deux fillettes séparées par leur statut social et par la personnalité de leurs mères, l'une bourgeoise et un brin coincée, l'autre célibataire et créative. Mais malgré tout unies par leur amitié qui, racontée sur plusieurs années, devient le fil conducteur de l'univers de Quiviger qui n'hésite pas au passage à nous entraîner dans des histoires parallèles, des histoires de femmes, toujours. Car tout se conjugue au féminin dans ce roman qui parle du même souffle des petits et grands drames, des joies de la maternité et aussi du plus terrible des deuils, celui d'un enfant. Un roman touchant bien que de lecture parfois ardue, sur la force de passer à travers les épreuves.

Mon cri pour toi

Autre roman au féminin, mais cette fois-ci dans un univers d'hommes avec Mon cri pour toi de Micheline Duff. La musique adoucit les moeurs, dit-on. L'auteure en fait la démonstration dans ce roman qui raconte le travail de «Madame Piano» qui enseigne le piano à des détenus. Inspiré de l'expérience vécue par Micheline Duff, ce roman se concentre sur la relation entre la prof et un élève, Christian, 29 ans, incarcéré pour un crime qu'on ne dévoilera pas ici, mais qui constitue le coeur de ce roman en deux temps. Le présent d'abord, celui du quotidien dans une prison et de la musique comme moyen de communication. Au passé aussi, à travers l'histoire de Christian, un jeune homme à l'enfance brisée par le divorce de ses parents. En intercalant les deux récits, Micheline Duff livre un roman simple et sincère. Bien que l'abondance de bons sentiments et des dialogues un peu trop appuyés finissent par agacer, on se laisse tout de même toucher par le récit de cette femme qui, note par note, cherche constamment à «oublier le crime pour chercher le filon d'humanité.»

Ressources de l'épuisement

Jusqu'où peut-on fuir et éviter de faire face à la musique, en l'occurrence une maladie qui nous ronge de l'intérieur? Johan af Ström, 26 ans, pose la question dans Ressources de l'épuisement, son premier roman. Atteint du sida, Tafari fait tout pour éviter de regarder sa maladie en face. Du Mexique à New York jusqu'à Montréal où il doit revenir pour les funérailles de son père, le jeune homme se réfugie dans l'alcool. On aurait aimé être touché par cette fuite en avant, par cet espoir d'une vie meilleure. Or, la brièveté de ce roman de 134 pages à l'abondance de dialogues et composé de rencontres successives laisse trop peu de place à l'émotion et à la réflexion. Reste la fin, où on voit enfin la lumière, mais qui laisse malgré tout la désagréable impression que c'est trop peu trop tard.