Quoi de neuf dans le polar québécois? On pourrait résumer la situation par une formule convenue: beaucoup d'appelés (une cinquantaine de titres publiés en 2008) mais peu d'élus, parmi lesquels deux nouveaux venus qui ont retenu mon attention au cours des dernières semaines.

Pierre Caron est un vétéran de l'édition (une quinzaine d'ouvrages), avec une feuille de route variée (romans, essais, etc.). Cet ami du défunt Georges Simenon vient de publier Letendre et l'homme de rien, premier d'une série de polars mettant en scène Paul Letendre, un collectionneur de livres anciens embarqué bien malgré lui dans une enquête criminelle. Un de ses clients, un « homme de rien «, a été assassiné. Letendre veut découvrir toute la vérité sur ce curieux bonhomme dans l'espoir de récupérer un trésor: l'édition originale des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, que le mystérieux correspondant devait lui remettre en échange d'une coquette somme d'argent.

 

À partir de très maigres indices, se basant sur son intuition, Letendre va suivre un fil ténu qui va l'amener dans divers quartiers de Montréal, puis à Prague, « la plus belle ville du monde «. À force d'entêtement, et au risque de sa vie, il finira par mettre au jour un scandale de corruption dans les services d'immigration.

Pierre Caron n'apprécie guère les polars sanglants et morbides qui encombrent les rayons des libraires en ces temps de carnage. Letendre et l'homme de rien est donc une sorte d'antithriller, un de ces biblio-mysteries à l'intrigue feutrée où le livre est roi, avec plus d'éditions rares que de revolvers, et un héros pantouflard (mais pas peureux!) entouré de quelques comparses efficaces et sympathiques que l'on retrouvera probablement dans ses prochaines aventures.

C'est un roman qui se lit bien, mais on se permettra tout de même de conseiller à l'auteur d'élaguer un peu, de couper encore dans le gras descriptif, histoire de donner un peu plus de vivacité à cette intrigue qui progresse par moments à un rythme de sénateur en manque de vitamines.

Intrusion est le premier polar de Danielle Forget, qui enseigne au département de français de l'Université d'Ottawa depuis 1986. Son héroïne, Ariane Vidal, nouvellement assignée au journalisme d'enquête, fait un reportage sur le meurtre sordide du PDG d'une entreprise pharmaceutique. Par ailleurs, elle est intriguée par une série de vols et d'attentats perpétrés sur le campus de l'Université de Montréal.

Formule oblige, Ariane découvre le lien qui unit les deux affaires, mettant à jour des manoeuvres criminelles et des liaisons dangereuses entre la recherche scientifique et les cartels de drogue de la Colombie.

Quoique bâtie sur quelques coïncidences heureuses, l'intrigue capte notre attention jusqu'au bout. Côté vraisemblance, on peut trouver qu'Ariane Vidal (un personnage dont l'auteur devrait peaufiner la personnalité) a beaucoup de chance, surtout en Colombie, où les tueurs des barons de la drogue ne font habituellement qu'une bouchée de jeunes et belles journalistes inexpérimentées et trop curieuses. Mais les belles héroïnes ne meurent pas, surtout si elles veulent revenir pour d'autres aventures. À suivre donc...

Et puisqu'il est question de polars québécois, on pourra lire aussi Ménage rouge, de Richard Ste-Marie (Stanké), bref roman noir qui raconte l'histoire un peu bizarre de Vincent Morin, qui a assassiné sa femme et ses deux amants surpris en pleine partouze. Il a disposé de leurs cadavres, se réjouit d'avoir commis le crime parfait jusqu'à ce que le Destin décide de le prendre dans son collimateur! Descente aux enfers garantie... Les éditions Alire ont réédité les deux premiers polars de Robert Malacci, La belle au gant noir et Les filles du juge: un cocktail amusant d'humour, de sexe, de meurtres et d'enquêtes criminelles menées avec une ardeur réjouissante.

LETENDRE ET L'HOMME DE RIEN

Pierre Caron

Fidès, 346 pages, 24,95$

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INTRUSION

Danielle Forget

Marcel Broquet, 276 pages, 24,95$

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