Il a dansé sous la pluie radioactive de Tchernobyl et traversé la Sibérie avec une serviette sur les épaules pour affronter l'hiver. Sasha Samar n'a pas eu une vie ordinaire avant d'atterrir au Québec. Il monte sur scène pour raconter son incroyable histoire.

«Mon accent, c'est mon passé qui s'accroche au bout de ma langue», dit Sasha Samar, dans un français où s'entendent encore ses racines slaves. Puisqu'il n'a pas réussi à échapper à ce passé, le comédien ukrainien fait volte-face et monte sur scène pour le raconter. C'est toute une histoire.

Le comédien né et élevé en Ukraine a connu le régime soviétique, a vécu de près l'accident nucléaire de Tchernobyl et a vu l'URSS s'effondrer de l'intérieur. Il y a déjà là matière à écrire un livre. Ces événements ne constituent pourtant que la toile de fond de son épopée intime, réécrite et mise en scène par Olivier Kemeid sous le titre Moi, dans les ruines rouges du siècle.

Sasha Samar a été élevé par son père. Ses yeux d'enfant voient les choses sous un autre angle: il a été abandonné par sa mère. Ce détail est fondamental puisque, durant toute son enfance, il n'a eu qu'une envie: devenir célèbre pour que sa mère le retrouve. Déjouer le destin est devenu une obsession de tous les instants et c'est le fil conducteur de la pièce qui sera présentée au Théâtre d'Aujourd'hui et à laquelle participent aussi Sophie Cadieux, Robert Lalonde, Annick Bergeron et Geoffrey Gaquère.

Son histoire, le comédien l'a racontée souvent, sans arrière-pensée. «Quand je l'ai racontée à Olivier, je ne pensais pas que ça pouvait devenir une pièce», précise-t-il d'ailleurs. Il suffit pourtant de s'attabler avec lui pour être happé par son récit et ne plus savoir quoi noter tant son parcours inouï regorge d'anecdotes romanesques et de coup bas du sort.

Que retenir? L'élan du nageur de l'équipe d'Ukraine interrompu par un souffle au coeur? La veine du comédien qui doit son inscription à l'école de théâtre à l'accident nucléaire de Tchernobyl? La folie du jeune homme qui, dans l'espoir de retrouver sa mère, part en Sibérie et fait du stop avec une serviette sur les épaules et une autre sur la tête pour affronter la nuit glaciale?

Sasha Samar, qui a atterri à Montréal un peu à cause de Guy Lafleur («Je suis très hockey», dit-il), sait bien que son histoire n'a rien d'ordinaire. Il se trouve même un peu fou en repensant à certains épisodes. À ce stade-ci de sa vie, il espère surtout qu'elle touchera les gens.

«Quand c'est devenu un projet sérieux, j'ai capoté au début, avoue-t-il. J'ai eu peur que ce soit pathétique, que ça crée un malaise.» Il craint encore de se sentir ridicule quand il va jouer son propre rôle, mais dit s'être construit un personnage derrière lequel il pourra se cacher.

Ce qui compte le plus pour lui, c'est que Moi, dans les ruines rouges du siècle lui donne l'occasion de pratiquer son métier. «Je suis un acteur. Jouer, c'est très important pour moi, dit-il, mais j'ai de la difficulté à décrocher des rôles à cause de mon accent.

«Ça fait un bout de temps que je joue les fantômes ou les personnages muets. J'ai joué beaucoup dans ma propre bulle, poursuit-il. Ce spectacle me permet de revenir aux bases du théâtre: jouer un texte avec des partenaires de jeu.»

Moi, dans les ruines rouges du siècle, du 10 janvier au 4 février au Théâtre d'Aujourd'hui.