Posté en Haïti, le journaliste est reporter télé et radio, caméraman, et administrateur du bureau de Radio-Canada. Une expérience qui pourrait faire des petits.

Depuis deux semaines, les yeux des journalistes de Radio-Canada sont tournés vers Haïti, où l'envoyé spécial Jean-Hugues Roy tente une nouvelle expérience. Il doit à la fois préparer des reportages pour la télévision et la radio, animer des échanges en direct avec les différents chefs d'antenne, en plus d'être son propre caméraman et d'administrer le bon fonctionnement du bureau de Radio-Canada, installé dans un 31/2 à Pétionville. Si certains de ses collègues, plus réticents à la nouvelle approche «multiplateforme», espèrent secrètement qu'il échoue, la direction des nouvelles, pour sa part, fonde de grands espoirs sur le laboratoire de Jean-Hugues Roy.

 

«On voulait rester en Haïti, c'était donc l'occasion parfaite pour tenter l'expérience, explique Alain Saulnier, directeur général de l'information pour Radio-Canada et RDI. On ne veut pas nécessairement en faire une formule, mais il est certain que si c'est concluant, on pourra répéter l'expérience ailleurs dans le monde.»

Ainsi, ces petits bureaux temporaires, appelés «pocket bureaux» à l'interne, pourraient bien se multiplier. Déjà, Anick Béraud, à Jérusalem, et Ginette Lamarche, à Rio, ont un mini-studio de radio installé dans leur appartement ainsi que le matériel nécessaire pour pouvoir converser à l'écran en direct avec Montréal. «Il n'est pas question de transformer nos bureaux de Paris et Washington, note Alain Saulnier, mais il est certain qu'on peut développer des installations plus souples lorsque l'actualité l'impose. Avant, nos bureaux à l'étranger étaient des quasi-ambassades, avec beaucoup de personnel. Aujourd'hui, rien ne nous empêcherait d'aller nous installer quelques semaines en banlieue de Paris en cas d'émeutes, par exemple.»

Projet casse-gueule?

L'expérience haïtienne de Jean-Hugues Roy s'inscrit dans le grand chambardement amorcé il y a plusieurs mois au service de l'information radio-canadienne. Le regroupement par modules au sein de la salle de rédaction et la construction d'un studio radio dans le Centre de l'information (CDI) sont des signes de ce virage qu'est en train de négocier la société d'État dans son approche de l'information.

Est-ce cela, l'avenir du journalisme électronique? «Ce n'est pas l'avenir, c'est le présent, répond du tac au tac Jean-Hugues Roy, joint en Haïti. Depuis que je suis ici, je n'ai vu qu'une seule grosse caméra Beta. La plupart des journalistes sont équipés de petites caméras légères et font leurs propres images.»

Le reporter reconnaît que l'aspect technique de son travail peut devenir envahissant. «Lundi dernier, la conférence de presse de Bill Clinton et George W. Bush avait lieu sous une tente, dans la pénombre, alors qu'à l'arrière-plan, on voyait le Palais présidentiel, d'une blancheur éblouissante. Il fallait que je réussisse à régler ma caméra malgré ce contraste», raconte le journaliste.

C'est le genre de détail dont un journaliste ne se soucie habituellement pas, puisque c'est la responsabilité du caméraman ou du réalisateur de veiller à ce que l'image soit de qualité diffusable pendant que le journaliste fait ses entrevues, pense à l'angle de traitement de la nouvelle, veille à ne rien manquer. «Je dois penser à mes plans de coupe, mes cadrages... Disons que j'ai moins de temps pour prendre des notes», ajoute Jean-Hugues Roy.

Projet suicidaire? «Je venais ici à reculons, prêt à me péter la gueule, en me disant que j'allais faire la démonstration que ça ne marcherait pas, mais je dois avouer que je trippe», assure-t-il.

«Ce n'est pas un projet qui convient à tout le monde, reconnaît Alain Saulnier. Il faut des gens ouverts à ça, des wiz kids de la trempe de Jean-Hugues ou Danny Braun, journaliste à la radio, qui ira prendre la relève de Roy le 3 avril prochain.»

Le patron de l'information de Radio-Canada et RDI reconnaît en outre que la qualité des images peut en prendre un coup (Jean-Hugues Roy a reçu une formation de six semaines en treize jours, avant son départ). «Les images ne sont pas parfaites, mais c'est le prix à payer pour être sur place et on est prêts à le risquer», dit-il.